La chanteuse jaSz se découvre aussi simplement qu'elle chante : une guitare acoustique en main, et la voix douce. Jamais elle ne laisse envisager qu'elle a arpenté les métros ni les bars parisiens. Quelque part entre jazz, folk et soul, elle entraîne dans des compositions douces. Son premier titre, Love Song, est sorti voilà un mois, avec quelque chose de pétillant - peut-être dans le balayage et la clarinette. Entretien, mais d'abord, maestro, musique.
Le 02/04/2014 à 16:24 par Nicolas Gary
Publié le :
02/04/2014 à 16:24
Comment avez-vous démarré votre carrière de chanteuse dans le métro ?
J'ai passé l'audition en mars 2012 en étant persuadée que je ne l'aurais pas. Les badges d'autorisation sont à renouveler tous les six mois. Au terme des six mois de validité, je n'y étais pas allée faute de courage. Je me suis finalement décidée, c'était comme un défi pour moi, j'étais très curieuse de ce que ça donnerait. Quand tu chantes dans le métro et que ta voix résonne dans les couloirs, tu parles à des tas de gens qui te regardent, qui te sourient, auxquels tu te rends disponible. C'est comme si tu les rencontrais tous, et en dehors de tout contexte social, dans un échange non verbal. Ce sont des inconnus mais il y a une complicité folle dans le sourire ou le regard que vous vous échangez.
On parle toujours de l'image de Keziah Jones qui semble planer dans ces lieux... A-t-il été un modèle pour vous ?
J'aime beaucoup Keziah Jones, c'est un musicien d'exception et il est vrai qu'il est la "mascotte" de l'Espace Métro Accords (l'organisme en charge de la musique dans le métro). Je ne peux pas dire que je sois allée dans le métro par volonté de l'imiter, mais il est vrai que ça a crédibilisé cet endroit à mes yeux de savoir que Manu Dibango ou Keziah Jones y avaient joué.
C'est également un lieu propice à la lecture. En tant que chanteuse, quelle relation avez-vous avec les livres ?
Je lis pas mal, de la littérature classique principalement et il est assez rare que je me déplace sans livre. Mes livres sont généralement dans un état déplorable parce que je les promène un peu partout et que je les annote . J'aime le contact organique au papier, j'aime pouvoir quitter une situation en une seconde en me plongeant dans ma lecture. Je prends bien plus de plaisir à lire qu'à écouter de la musique quand je me déplace dans le métro, parce que la lecture est nourrie par les événements extérieurs, auxquels un casque nous rend sourd. On a trop tendance à se reclure, chacun dans son coin, avec son casque ou son smartphone. Quand on lit on peut relever le nez un instant parce qu'il y a quelque chose qui a fait écho, puis on se replonge. C'est très dynamique
Quels livres ont pu jouer ou influencer sur vos créations et compositions musicales ?
Je ne suis pas sûre que l'on retrouve mes lectures dans mes compositions musicales. Mais si l'on considère que les lectures qui ont été déterminantes dans mon façonnement personnel ont nécessairement une incidence dans mes créations musicales alors je citerais Céline et Proust. Deux grands poètes complètement différents et très inspirants. Céline a créé une sorte d'"hypra-poésie" dans une langue invective très argotique, obscène et crue faite de phrases exclamatives très brèves et violentes alors que Proust est un académicien conservateur passionné par la langue française dans la pureté de son usage. Je trouve que ce sont deux oeuvres qui se complètent bien.
Votre voix est particulièrement envoûtante : Vous verriez-vous, en plus du chant, faire des lectures publiques ?
J'en ai déjà fait à vrai dire. J'ai fait du théâtre avant de m'orienter vers la musique, mais j'étais plus intéressée par l'écriture et la mise en scène que le jeu d'acteur. J'avais fait des lectures puis la mise en scène d'une pièce que j'avais écrite quand j'étais au conservatoire en art dramatique. Je crois que ma passion c'est la langue, le dire, que ça soit dans la littérature ou la musique.
J'adorerais faire des lectures publiques comme de la radio, j'aime jouer avec ma voix de façon générale. Je trouve qu'aujourd'hui, on envisage beaucoup le chant comme une performance. C'est peut-être encouragé par les télé-crochets: qui pousse la note la plus haute, qui chante le plus fort, qui a le plus de volume respiratoire. À mon avis le chant ça n'est pas une performance, c'est la singularité d'une personne, de son phrasé, de sa voix. C'est quelque chose de sensible.
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