Nul doute que la lecture des livres de William Burroughs puisse présenter des vertus curatives. Des scientifiques ont choisi de s'intéresser aux expérimentations du romancier protéiforme et multi-drogues pour soigner des maladies comme Alzheimer, Parkinson et d'autres neuro-dégénératives. Le mystère du cerveau reste entier, mais les soins à lui apporter se multiplient donc.
William Burroughs à Tanger
Thomas Fisher Rare Book Library, CC BY SA 2.0
Neuroscientifiques, et fans de Burroughs, une voie royale pour la recherche de solutions médicales improbables, destinées à soigner les corps. Junkie, certes, mais gourou de la contre-culture, William Burroughs publia en 1953 The Naked Lunch, roman absolument fou, relatant un parcours peuplé de drogues et d'hallucinations. L'écrivain partit également en voyage en Amérique du Sud, pour trouver une plante ancestrale, dont les chamans produisent un breuvage, l'ayahuasca, ou yagé.
Cette boisson rituelle est devenue un phénomène de mode, de par ses propriétés hallucinogènes, au point que des touristes se ruent en Colombie pour expérimenter cette nouvelle sensation. Décrit comme « le shot ultime » par Burroughs, qui écrivait à Allen Ginsberg, l'écrivain raconte : « Je suis resté en délire durant quatre heures. Le vieux salaud qui a préparé cette mixture est spécialisé dans l'empoisonnement des gringos. »
Mais ce voyage a accéléré la toxicomanie de Burroughs qui, en 1956, décide de partir de faire soigner dans un établissement de Londres. Le docteur John Dent, franc-tireur médical – et secrétaire de la société britannique pour l'étude de la toxicomanie – décide de le traiter. Avec de l'apomorphine, un dérivé non-narcotique de la morphine. Cette solution avait été appliquée par le bon docteur Dent, pour le traitement des alcooliques, dès 1918. Ses premières conclusions sur cette solution avaient d'ailleurs été publiées en 1931 dans le British Journal of Inebriety.
Il écrivait : « L'apomorphine agit sur le cerveau pour normaliser la circulation sanguine de façon à ce que le système enzymatique de la dépendance soit détruit. » Or, la recette semble avoir fonctionné avec Burroughs, dont l'addiction sera nettement diminuée, et scientifiquement démontrée. Sauf que, pour diverses raisons, pas nécessairement bonnes, la découverte de Dent ne sera pas pleinement adoptée.
Soigner les toxicomanes et les maladies neuro-dégénératives
Aujourd'hui, Andrew Lees, fan des œuvres de Burroughs, s'est lancé dans l'analyse des interactions entre l'apomorphine et la dépendance. Professeur au National Hospital for Neurology and Neurosurgery de Londres, il a publié un ouvrage sur Alzheimer, et a signé plusieurs articles sur le traitement de cette maladie ou celle de Parkinson. Inspiré par les travaux de Dent, et son interaction avec Burroughs, Lees et ses collègues ont également planché aux applications de l'apomorphine pour les soins des maladies neuro-dégénératives.
Si Burroughs évoquait notamment l'effet du traitement sur sa libido, le professeur souligne que l'apomorphine est exempte d'effets narcotiques, et libère la dopamine. Procédant à l'auto-expérimentation, Lees insiste sur la corrélation entre la lutte contre l'addiction, mais également la stimulation du cerveau. Selon lui, on pourrait même disposer de solutions alternatives pour les soins comme la buprénorphine et la méthadone qui interviennent dans les soins de dépendance à l'héroïne.
Comme il le souligne, « l'apomorphine n'a jamais été pleinement expérimentée dans la voie préconisée par Burroughs ». Et représenterait alors une solution inédite pour soigner tout à la fois les toxicomanes, et les personnes souffrant de maladies neuro-dégénératives. (via Guardian)
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