Les amateurs de l'oeuvre de Balzac savent qu'un ouvrage traitant du vêtement dans les textes du romancier parcourt les personnages en recherche d'une cohérence. « Un extrait de la "vestignomonie balzacienne", ou comment le vêtement à l'œuvre chez Balzac est prétexte à une formidable galerie de portraits dans lesquels se lisent la vie et le caractère de ses personnages tout comme l'humeur du moment et le goût des modes passagères. »
Mais les amateurs de mode apprendront que désormais, la Comédie humaine, qui rassemble sous ce nom l'ensemble des 137 textes balzaciens, donnera lieu prochainement à une ligne de vêtements, dont le lancement est prévu pour le 30 mai. Le site interne amorce le décompte, et quelques jours séparent encore les futures victimes de la mode de la découverte de cette nouvelle collection.
Quatre jeunes créateurs viennent de se lancer, tout à la fois dans un hommage au romancier - dont on sait probablement peu qu'il écrivit pour un journal de mode, La Mode, en son temps - mais également pour prolonger les réflexions du Traité de la vie élégante, qui réunissait les textes parus dans le journal.
Dans ce livre déroutant et inachevé, Balzac, sociologue, observe avec acuité l'universelle prétention à l'élégance, conséquence directe de la Révolution, ce « débat entre la soie et le drap ». Balzac, dandy, s'amuse aussi à dérouter le lecteur en l'égarant sur les fausses pistes du sérieux, à l'amuser avec la fine pointe de son ironie, et à le laisser sur sa faim. Enfin, Balzac, écrivain, trace les linéaments de la Comédie humaine, faisant ainsi de son Traité une petite œuvre délicieusement apéritive.
Les quatre créateurs sont issus eux-mêmes du monde du luxe, et Vincent-Louis Voinchet, contacté par ActuaLitté, nous explique toute l'ampleur de ce projet. Tout commencera donc avec une boutique en ligne, et la déclinaison de plusieurs lignes - la chemise Rastignac compte parmi leurs créations. Probablement un must-have dans le domaine.
« Notre projet était double. Tout d'abord, proposer des produits fabriqués au maximum en France, autant que possible, ensuite, avoir une histoire à raconter, qui tourne autour de la littérature, et plus particulièrement de Paris. Là, Balzac s'est imposé à nous. »
Il salue d'ailleurs la perpétuelle modernité de l'écrivain. « Dans son analyse des rapports entre les gens, les parcours socioprofessionnels, il existe une relation très forte avec les comportements que l'on voit tous les jours. À ce titre, nous avons souhaité rééditer le Traité, en version papier, pour avoir une carte de visite, mais surtout, rappeler combien Balzac a pu démocratiser la mode masculine, quand il écrivait dans ces journaux. Finalement, personne ne parlait de mode masculine à l'époque, et moins encore dans des grands quotidiens, et Balzac a réussi un tour de force. »
Pour reproduire le Traité, l'équipe s'est appuyée sur sa connaissance de l'édition - Vincent-Louis Voinchet travaille dans le magazine de mode, ça ne s'invente pas, So Chic. « Nous avons recherché dans de vieilles librairies, chez des bouquinistes, des ouvrages qui contenaient les gravures de Grandville, afin de les scanner dans un premier temps, pour en reproduire sur nos créations. De l'autre côté, cela nous a permis de constituer une version complète du texte de Balzac, que nous avons donc réédité. »
L'autre approche intéressante, c'est donc le passage par cette boutique en ligne. La Comédie humaine proposera du prêt-à-porter, parce que « nous ne croyons pas au sur-mesure. Un homme qui se retrouve devant un écran avec un choix multiple de chemises et de possibilités, c'est un peu comme l'écrivain qui aurait le complexe de la feuille blanche. On est perdu, on doute, et on a peur de se tromper. Alors, nous proposons plutôt d'acheter une chemise, avec un col interchangeable. C'est plutôt du "customisable", en fait. L'autre point, c'est que le sur mesure ne permet pas de se comparer. Or, l'homme, et on le voit plus encore dans la Comédie humaine, les livres, a besoin de se distinguer, certes, mais aussi de ressembler aux autres. Si cela ne lui est pas possible, alors il ne peut plus se comparer, se mesurer aux autres, et perd une dimension importante de son rapport dans la société. »
Et, clin d'oeil parmi d'autres, il existe le pack de l'infidèle, qui propose plusieurs cols, à mettre en relation avec les multiples tromperies et autres infidélités que l'on peut lire chez Balzac. Là, tout est simple : il suffira de changer de col, pour passer d'une maîtresse à l'autre...
Aujourd'hui, les négociations sont en cours avec le Printemps, les galeries Lafayette et Le Bon Marché, pour proposer leurs collections. Les discussions ont aussi commencé avec Franck et Fils, pour commercialiser leurs produits. « Avec cette histoire parisienne, cette reproduction des gravures, l'ancrage dans le texte de Balzac, nous n'avons pas pour projet de remettre à la mode des vêtements anciens, ni de remuer la poussière. C'est plutôt un mariage de l'ancien et du moderne, en montrant combien Balzac est toujours aussi actuel. »
Et le pourquoi du coq, injustement baptisé coq de Balzac ?
Issu de l'ouvrage Scènes de la vie privée et publique des animaux, ouvrage collectif dans lequel Balzac a écrit plusieurs chapitres, et illustré par J.J Grandville, célèbre caricaturiste de l'époque, le Coq fait son apparition dans l'Histoire d'un lièvre.
Cette brève citation accompagne la gravure de ce Coq :
"Tout près d'un village qu'on appelle Puteaux, j'aperçus un Coq. Mes yeux, las de voir des messieurs et des dames, s'arrêtèrent avec complaisance sur cet Animal.
C'était un habitué de la barrière du Combat, un Coq de la plus belle espèce : il était haut en jambes et se cambrait en marchant, comme un Coq qui ne veut rien perdre des avantages de sa taille : il y avait dans toute sa tenue quelque chose de militaire qui me rappela les soldats français que j'avais vus souvent se presser autour de mon théâtre des Champs-Elysées."
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