Le Premier ministre italien, outre ses saines lectures de marathonien – il apprécie qu'on le voit avec un livre de Murakami – s'est dernièrement illustré en achetant la trilogie de Michael Dobbs. Ce dernier n'est autre que l'auteur des ouvrages adaptés à la télévision dans la série House of Cards. Matteo Renzi, qui n'a rien à envier à Frédéric Lefebvre sur le coup (ah, Zadig et Voltaire…), a annoncé qu'il était passionné de la série… pour sa fine dimension politique.
Le 30/10/2014 à 16:42 par Nicolas Gary
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30/10/2014 à 16:42
Michael Dobbs n'a pas dû en revenir : que le Premier ministre d'Italie se vante d'avoir acheté sa trilogie est en soi une publicité de premier plan. Cependant, il a tenu à apporter une précision : « Mon travail n'est pas un mode d'emploi », a-t-il déclaré à l'occasion de l'International Communication Summit Europe 2014.
Renzi, invité sur le plateau de l'émission Che tempo che fa, expliquait assez naïvement avoir regardé une courte scène de la série House of Cards. Et manifestement, le personnage incarné par Kevin Spacey, Frank Underwood, politicien féroce et impitoyable, a fortement marqué le Premier ministre. Et de préciser que, pour lui, « le pouvoir, c'est prendre soin des autres, prendre la responsabilité des autres. Quand il y a un chômeur, le pouvoir doit agir de sorte qu'il trouve du travail ».
Dans la presse italienne, on ne manque pas de rapprocher les deux personnalités, mettant en exergue qu'ils ont une certaine rigidité, et un sens des institutions – mais que confondre réalité et série télévisée n'est tout de même pas bien sérieux. Et qu'entendre Renzi suggérer, même du bout des lèvres, que l'on pourrait y trouver des solutions politiques, cela prête à sourire.
« Quand j'ai appris que Renzi avait acheté un exemplaire, dans une librairie de Rome, j'ai pensé qu'il serait prudent d'envoyer un message pour lui rappeler que livre n'est qu'un divertissement, et non un manuel d'instruction », précise le romancier britannique, à l'attention du responsable politique. Réflexion passablement humiliante, et d'autant plus inconvenante que faite sérieusement.
Or, si Renzi aurait effectivement tout intérêt à se plonger plutôt dans L'Art de la guerre, de Sun Tzu, que dans la prose assez indigeste de Dobbs, il ne faut pas oublier que les chercheurs ont plusieurs fois démontré combien la trilogie était ancrée dans une approche politique, autant qu'historique, très concrète. On a d'ailleurs souligné les ressemblances entre le personnage d'Underwood, et un certain… Richard III, présenté notamment dans l'oeuvre de Shakespeare comme l'une des plus grandes incarnations tragiques du vice accédant au pouvoir…
Le problème, c'est cette déclaration de Matteo Renzi, fin mai, dans laquelle il disait, avec beaucoup de sérieux : « La formation politique peut également avoir lieu au travers des séries télévisées américaines. » S'inspirer, d'une manière ou d'une autre, du personnage d'Underwood, pourri jusqu'à la moëlle – voire, qui incarne ce que peut être une pourriture politique – n'est pas franchement le chemin le plus vertueux pour un homme politique.
Mais les points communs entre les deux hommes sont assez évidents : tous deux sont issus du parti démocrate, ont connu une ascension fulgurante, avant d'accéder au pouvoir, tout en sachant utiliser habilement la technologie et les médias… Au point qu'Underwood dira, dans l'un des épisodes : « La démocratie, c'est tellement surfait. » Accéder au pouvoir, donc, mais surtout, le conserver… (via Today)
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