Copier-décoller. Au Québec l'agence de voyages Incursion, visiblement bien nommée, se trouve dans le collimateur de ses concurrents de chez Voyages Lambert et sous le coup d'une injonction interlocutoire temporaire. La société plaignante dénonce s'être fait plagier par sa rivale non seulement la chronologie, mais aussi les visites et jusqu'aux spectacles compris dans un circuit de plusieurs journées indonésiennes élaboré par ses soins. L'agence en appelle à la justice... en brandissant la carte du droit d'auteur.
Le 12/11/2013 à 17:03 par Julien Helmlinger
Publié le :
12/11/2013 à 17:03
On plagie mais sans mentir au client...
Sur le terrain du droit d'auteur, la lutte risque d'être compliquée pour Voyages Lambert, mais la société québécoise entend bien faire valoir la propriété d'un circuit, désireuse en outre que son cas fasse jurisprudence afin « de protéger les intérêts » des professionnels de l'industrie.
Richard Gold, professeur à la faculté de droit de l'Université McGill, estime que la partie n'est pas gagnée sur le terrain du copyright. Pour lui : « En général, on ne peut pas protéger le voyage. C'est un peu comme une recette de cuisine. On ne peut pas protéger l'idée. On peut protéger l'expression, la façon de décrire le voyage, par exemple, ou encore les photos que l'on utilise pour l'illustrer. »
Le programme touristique de l'enseigne Lambert était alléchant, et ce ne sont pas les concurrents qui le nieront. Au menu se trouvent notamment une découverte de la capitale indonésienne Jakarta, une visite de Borobudur, le plus grand temple bouddhiste à travers le globe, une visite de divers ateliers de tissus, un lever du soleil au belvédère de Penanjakan... le tout soigneusement repris à la lettre, ordre chronologique y compris, par son concurrent.
Selon le propriétaire de Voyages Lambert, Éric Beaumier, il serait tombé sur la brochure de son concurrent à la fin du mois de septembre, par hasard, et il aurait constaté qu'il s'agissait de la première fois qu'Incursion proposait des circuits en Indonésie. Ayant immédiatement reconnu sa programmation offerte depuis trois ans par sa propre entreprise, et constaté que l'un de ses anciens employés avait rejoint le rival en qualité d'accompagnateur sur le circuit, il a saisi la justice pour injonction.
Interrogé par La Presse, il explique qu'il s'agirait d'une « copie carbone de notre voyage. Ce qui distingue un circuit d'un autre, ce sont les visites, l'ordre dans lequel on les fait et comment on les fait. Ils ont les mêmes visites de sites, de boutiques, sur 21 jours, ce n'est pas du hasard ». Selon lui l'élaboration d'un tel circuit de voyage nécessite une véritable énergie, d'envoyer des gens sur place et d'établir des contacts. Or, chez Incursion, ils n'auraient « même pas tenté de le remanier pour camoufler un peu ».
Éric Beaumier a ainsi obtenu une ordonnance provisoire de la Cour supérieure du Québec, obligeant Incursion Voyages à retirer, temporairement du moins, le circuit incriminé de sa programmation. Le plaignant a entrepris d'autres démarches complémentaires dans l'optique de rendre cette ordonnance permanente et réclame désormais un dédommagement de 15.000 $.
Jean-Pierre Caron, propriétaire d'Incursion Voyages, estime quant à lui qu'il s'agirait d'une « tempête dans un verre d'eau,[...] l'art de tuer une souris avec un bazooka ». Il prétend ne pas offrir une copie du circuit touristique de Voyages Lambert, et assure avoir retiré l'annonce pointée en guise de bonne foi.
Il ajoute : « On ne réinvente pas la roue dans notre domaine. Il y a une suite logique dans la façon d'organiser un circuit. Les grands tours d'Italie se ressemblent, comme les grands tours d'Espagne. Éric Beaumier se fait missionnaire d'une cause qui n'en est pas une. Son mandat, c'est de faire voyager, pas de faire de la jurisprudence. »
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