En novembre 2012 apparaissait une nouvelle maison d'édition spécialisée dans le roman-photo version numérique. Dénommée BlaBla, cette toute jeune pousse a fait le choix de la séquence narrative mise en images. Un pari osé. Mais c'est aussi le pari de l'innovation qu'a ainsi fait Nicolas Sarrade, fondateur des éditions BlaBla.
Le 18/04/2014 à 08:42 par Victor De Sepausy
Publié le :
18/04/2014 à 08:42
Pour ce banlieusard d'origine qui vit aujourd'hui à Bayonne, l'image est centrale. Rencontre avec un convaincu du roman-photo, genre souvent laissé de côté par les puristes.
AL : Déjà, pourquoi avoir choisi « Blabla » pour dénommer votre maison ?
Nicolas Sarrade :Le terme « BlaBla » n'as pas été d'une grande facilité à trouver… toujours compliqué d'inscrire un nom sur une idée multi-forme.
Je peux tout de même vous dire que ce terme s'est finalement assez rapidement imposé de lui-même puisque l'axe éditorial de la maison a pour objectif de « faire parler » des images (photos principalement, mais pas seulement).
De nature plutôt communicante, j'aime beaucoup m'intéresser à mes semblables, passer du temps avec eux,… et beaucoup papoter… beaucoup de « BlaBla » dans les échanges humains. Selon notre début de catalogue, l'humain est au centre de nos récits. Voilà un 2e temps explicatif.
Pour le 3e temps, je rajouterai qu'il me fallait trouver une approche linguistique qui ne passe pas inaperçue et qui accroche la mémoire… quelque chose que tout le monde utilise… un mot quasi-universel. En plus de cette idée linguistique, la phonétique devait aussi être impactée. Il me fallait trouver un mot prononçable par n'importe quel lecteur français, comme étranger. Finalement, « BlaBla », même un japonais peut le prononcer.
AL : Vous avez choisi d'orienter votre maison principalement (uniquement ?) vers le numérique. Pourquoi ?
Nicolas Sarrade :Pourquoi le numérique ? Parce que c'est l'avenir. Parce que c'est maintenant ! Parce que c'est l'innovation ? Parce que c'est un nouveau continent… à découvrir mais aussi à explorer !
Pourquoi le numérique ? Parce que les éditeurs papier font déjà très bien leur travail en proposant de très beaux livres imprimés. Énormément déjà de bonnes choses en papier. Inutile de tenter les surprises de ce côté là. Pourquoi tenter l'aventure d'une économie qui a déjà son histoire derrière elle ? Le désir de la prise de risque et de l'inconnu m'ont poussé vers le numérique assez facilement : je lis et travaille beaucoup d'images chaque jour sur écran. Le numérique est donc une évidence.
N'oublions pas… La dématérialisation est un des arguments économiques qui m'a rapidement conquis : plus de stock, Plus de retour, plus de pillon, plus d'« épuisés », plus de problème de rangement (en tant que lecteur j'ai énormément de livre imprimés chez moi et cela devient une réelle difficulté à chaque déménagement). Enfin, le numérique pour l'absence de frontières physiques : aujourd'hui un livre numérique s'obtient quasi instantanément en quelques clics à l'autre bout du monde du moment que l'on possède une connexion internet.
AL : Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir le genre du roman-photo, et en plus au format numérique ? Ce nouveau support ouvre-t-il des portes à ce genre selon vous ?
Nicolas Sarrde :Et oui ! C'est ma démarche et mon argumentaire que vous approchez là. C'est parce que la lecture numérique se réalise aujourd'hui avant tout à partir d'un écran, que je me suis tourné vers le roman-photo. Les supports, nos tablettes, sont avant tout des écrans. Que lit-on sur des écrans quotidiennement ?… Des images (télévision, cinéma, photo de famille sur son PC). Aujourd'hui tout le monde possède un APN (voire un smartphone qui réalise des photos)… le média est réellement devenu accessible à tous. Autant de lecteurs, pour autant de créateurs, pour autant d'auteurs ; pour autant de lecteurs. Le mouvement perpétuel, quoi !
Le roman-photo (renommé photo-roman) pour ma sensibilité forte à tout ce qui touche de loin comme de près à ce que certains désignent de « narration séquentielle ». Cinéma, vidéo, BD, tapisserie de Bayeux et hiéroglyphes égyptiens ont fait le tour de la terre… inutile de les questionner… En revanche, le roman-photo a toujours été un média resté sous le manteau dans sa version papier. Avec l'avènement du numérique et le rapport intime à son smartphone ou à sa tablette, les lecteurs n'hésiteront plus à se le procurer.
Mais cette prétention à vouloir s'attaquer à un genre un peu oublié n'est pas qu'une simple renaissance. Les Editions BlaBla, se sont dès le début éloignées du genre en le renommant « PHOTO-ROMAN » et en y invitant d'autres genres et d'autres formes liés à la fois au cinéma et à la poésie ou au théâtre… au documentaire, et à l'essai sociologique aussi Encore une fois, nos auteurs, sont beaucoup plus liés à l'art de la cinématographie qu'à celui du roman-photo ou de la bande dessinée. Finalement on peut définir le catalogue comme une espèce d'OULIPO… ou plus précisément un OUPHOPO (Ouvroir de photo-roman potentiel).
AL : Quels titres, au sein de votre catalogue pourraient s'adresser tout particulièrement à un lecteur qui n'a, jusqu'à présent, que très peu (voire jamais) fréquenté le roman photo ?
Nicolas Sarrade :Tous les titres du catalogue sont de réels ambassadeurs de notre éditorial et de notre liberté d'entrevoir. Il n'y en a pas un à laisser de côté.
Urbains (Bruno Turcan - Nicolas Sarrade) est un essai sociologique sur les rapports humains et intimes sur un espace-temps universel qui rappelle le début de l'humanité et la nuit des temps : la plage !
Night Running Movie (Nicolas Kaiser - Nicolas Sarrade) est une adaptation possible d'un objet narratif situé entre poésie et cinématographie. C'est aussi l'aventure d'un homme qui court la nuit… un voyage intérieur en extérieur d'un type face à ses craintes, à ses énergies, à ses pulsions.
Le Mal De Moi (Anne-Marie Lafeu - Nicolas Sarrade) sera une expérience pouvant être à la fois terrifiante et agréable pour le lecteur qui voudra bien s'y glisser. Enfiler la peau de l'écriture et des images des deux auteurs, c'est ici l'assurance de ne peut-être pas éteindre sa tablette indemne. Ce 3e photo-roman, nous dévoile l'idée d'un journal intime d'un homme qui s'est construit en devenant tueur en série.
Enfin, Matière Invisible (Nicolas Sarrade) est un travail documentaire, éditorial et expérimental de suivi d'un atelier de théâtre amateur. C'est l'envie d'essayer de définir ce que peut-être la pédagogie autour de cet art vivant. C'est l'envie de vous montrer le making-of d'une saison de théâtre, du montage d'un filage à la veille d'une première.
AL : Qu'est-ce qui vous a poussé à fonder votre propre maison ? Aviez-vous des liens avec l'édition en général auparavant, ou avec le numérique plus particulièrement ?
Nicolas Sarrade :Après quelques années passées à travailler dans une maison d'éditions classique (livres imprimés) et de multiples autres expériences professionnelles avant (aussi bien organisationnelles, fonctionnelles, qu'opérationnelles), à l'aube d'une nouvelle décennie personnelle, il m'a été relativement simple de me jeter dans la mêlée. Le numérique, à travers les étrangetés et astuces des codes HTML reste pour moi chaque jour une curiosité sans limite.
AL : Un dernier mot sur votre initiative liant numérique et roman-photo ?
Nicolas Sarrade :Le livre numérique se doit de s'émanciper sur d'autres terres que celles qui ont vu pousser avec succès le livre imprimé. Cette voie passera par le rapport au multimédia (images, sons, vidéos, textes, liens hypertextes,…) et à la créativité.
Le roman-photo est mort ! Vive le photo-roman !
Merci à Nicolas Sarrade.
Pour découvrir les éditions BlaBla, c'est par ici.
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