Le Piano de satin, de Geneviève Convain : quelques touches
Germain a perdu sa femme il y a sept longues années. Des années passées à ressasser l’histoire de cet amour extraordinaire qui a commencé dans le tram où ils s’étaient vus pour la première fois, ce matin de septembre 1944, dans un véhicule bondé, alors qu’il partait rejoindre son convoi dans un service sanitaire de l’armée.
Une rencontre brève et furtive. Mais un coup de foudre définitif et jamais démenti. Resté seul après sa disparition, Germain a finalement choisi de rejoindre une maison de retraite, car il est progressivement devenu, à quatre-vingt-six ans, incapable de se suffire à lui-même.
Comme régulièrement, Gaëlle, sa fille, l’a pris chez elle pour le week-end. Un peu pour lui faire quitter ce pensionnat, un peu pour être un peu plus proche de lui, car elle ne peut pas assumer une garde continue.
Alors qu’il s’approche du piano d’Eve-Marie, sa femme, Germain est pris d’un vertige qui l’envoie à terre, inconscient. Quand il reprend connaissance, c’est le regard inquiet et interrogatif de Gaëlle qui se superpose au souvenir du visage d’Eve-Marie. Le médecin, appelé par Gaëlle, a prescrit des examens et des soins.
Devant ce malaise subit et ses conséquences, Gaëlle hésite à raccompagner son père à la maison de retraite quand week-end finit. Et Germain ne souhaite pas particulièrement y retourner, contrairement à son habitude. Toutefois, Gaëlle prend bien vite la mesure des contraintes que représente le maintien à domicile d’une personne âgée perdant progressivement son autonomie.
Autour d’elle, sa sœur, ses enfants, son mari, ses petits enfants, toute une vie continue à bruisser alors que dans la chambre, Germain s’affaiblit.
Cette histoire pourrait, devrait, être l’histoire de tout le monde. Une histoire où les anciens meurent chez eux, entourés de la présence, de la chaleur de leur famille, soutenus à bout de bras par un collectif de souvenirs et de générations à venir : des enfants aux petits enfants, voire aux arrière-petits-enfants, une sorte de cortège s’est mis en place autour de Gaëlle qui fait le pivot, le lien, la continuité entre celui qui s’en va et tous ceux qui restent, plus ou moins accaparés par leurs obligations, leur vie qui peut parfois mal s’accommoder d’un rythme sans mesure et d’une partition où le point d’orgue n’est pas encore écrit.
Cette histoire est celle que nous raconte Geneviève CONVAIN. Une histoire où seule la mort n’est pas dans le ton encore qu’elle fasse assez bien partie de la vie.
Avec beaucoup de tact et de sensibilité, elle pénètre un cercle familial qui reste capable de ne pas s’enfermer sur lui-même et sait encore, malgré l’épreuve, s’ouvrir à l’extérieur.
C’est beau à en pleurer. Mais je crois que Geneviève CONVAIN a trop pris à son compte la petite phrase de Marcel qui, à l’arrière du corbillard, pleure, avec son père Joseph Pagnol, sa mère qu’il accompagne au cimetière : « Telle est la vie des hommes. Quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants. »
Nous ne sommes plus des enfants.
La vie s’est chargée de briser les familles quand les familles ne se sont pas brisées toutes seules. L’éloignement, la jalousie, l’argent, les rancunes, tout se conjugue pour détisser les liens qui ont parfois pu paraître forts.
Combien de personnes âgées vivent seules sans recevoir seulement, au fond de leur maison de retraite, une visite périodique de neveux, ou de nièces, sans parler de fils ou de filles ? Combien ne sont surveillées, du coin de l’œil, que pour ne pas manquer l’instant où l’héritage sera enfin disponible ? Combien croupissent dans une solitude affreuse ? Combien ne sont retrouvés morts que bien après leur décès ?
Oui, le livre de Geneviève CONVAIN fleure bon l’eau de rose. Il est plein de bonnes intentions et nous montre un éden idyllique qui n’est cependant pas à la portée de tous. Ce n’est plus du roman, c’est de la fiction. Pas une fausse note ! La sérénité intégrale ! Germain a de la chance.
C’est certainement ce à quoi je n’ai pas réussi à croire.
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