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Littérature française
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PROLOGUE
Attraper un chat noir dans l’obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s’il n’y en a pas.
Je veux dire : surtout s’il n’y a pas de chat dans la nuit où l’on cherche.
Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J’aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même.
Je crois comprendre ce que cette phrase signifie. Elle dit que la sagesse consiste à ne pas se mettre en quête de chimères. Que rien n’est plus vain que de partir à la chasse aux fantômes. Qu’il est absurde de prétendre capturer de ses mains un chat quand nul ne saurait discerner, même vaguement, sa forme absente dans l’épaisseur de la nuit.
Mais Confucius, si c’est de lui qu’il s’agit, ou bien le penseur improbable auquel on a prêté son nom, n’affirme pas que la chose soit impossible. Il dit juste que trouver un chat noir dans la nuit est le comble du difficile.
Et que le comble de ce comble est atteint si le chat n’est pas là.
J’ouvre les yeux dans le noir de la nuit. Des lignes, des taches, des ombres, le scintillement d’une forme qui fuit. Quelque chose qui remue dans un coin et envoie ses ondes ricocher au loin vers le vide qui vibre.
Première partie
Chapitre 1
Il ÉTAIT DEUX FOIS
Le chat de Schrödinger est un peu à la mécanique quantique et à ses lois ce que la pomme de Newton est à la physique classique et à celles de la gravitation : une petite fable destinée aux profanes afin de les éclairer un peu sur ce que, de toute façon, ils ne comprendront pas. Disons : un roman, un poème.
Il s’agit d’une expérience de pensée dont personne, et certainement pas l’homme qui l’a conçue, n’a jamais sérieusement songé que, sous cette forme en tout cas, elle puisse être réalisée. Dans une boîte, on enferme un chat avec à ses côtés un mécanisme plutôt cruel. Celui-ci est constitué d’un dispositif conçu de sorte que l’émission d’une particule consécutive à la désintégration d’un atome, telle que peut l’enregistrer un compteur Geiger repérant la présence d’une source radioactive, entraîne la chute d’un marteau sur une fiole de verre contenant un poison foudroyant dont l’évaporation dans l’espace où il a été confiné fait instantanément passer l’animal de vie à trépas. Je ne dis rien du caractère baroque d’un tel bricolage qui explique pour beaucoup la fascination qu’il a exercée sur les esprits. L’essentiel est ailleurs. Le principe de l’opération se laisse exposer assez simplement : si au cours du temps imparti à l’expérience l’atome se désintègre, le chat meurt ; et, inversement, si l’atome ne se désintègre pas, le chat reste en vie. Sauf que, précisément, le propre du phénomène ainsi étudié conduit à compliquer assez sérieusement la donne de départ : au lieu de s’exclure l’une l’autre, les deux hypothèses envisagées doivent être en effet considérées comme s’appliquant conjointement à la situation concernée. Tant que dure l’opération et que l’observation ne la fait pas s’interrompre, il faut supposer en même temps que l’atome est et n’est pas désintégré, que le chat est mort et qu’il est vivant.
Extraits
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