Prologue
Prétendre retracer avec réalisme la vie du Bouddha pourrait être considéré comme un non-sens par les bouddhistes, pour qui seul importe véritablement l’enseignement de « Celui qui a atteint l’Éveil ». Cependant, restituer la vie du Bouddha est également une gageure pour les scientifiques, tant les matériaux historiques et archéologiques disponibles sont minces ou sujets à controverses. Face à ce double constat, une question s’impose d’emblée : toute biographie du Bouddha équivaudrait-elle à une vaine tentative ? Par comparaison avec l’intérêt accordé de nos jours au bouddhisme — qui se classe au quatrième rang des grandes croyances mondiales —, ce que l’on sait effectivement sur la vie de son fondateur historique, né en Inde il y a environ 2 500 ans, semble bien peu consistant : on pourrait presque résumer en une seule phrase l’ensemble des connaissances strictement historiques portant sur son existence.
De fait, les sources permettant d’établir une biographie détaillée du Bouddha résident presque entièrement dans les écritures canoniques bouddhiques. Celles-ci forment un corpus d’une ampleur considérable qui a été rédigé et traduit dans diverses langues par des générations de moines, à mesure que le bouddhisme se répandait à travers l’Asie.
Transmis au sein de l’école Theravada, ou « Voie des Anciens », le canon rédigé en langue palie a été conservé dans son intégralité par des moines au Sri Lanka et en Asie du Sud-Est. Le canon pali est remarquable, tant par la diversité de son contenu que par son ancienneté : le Tipitaka, la « Triple Corbeille », est ainsi censé contenir des paroles prononcées par l’Éveillé lui-même, telles que recueillies par ses premiers disciples et couchées par écrit vers le Ier siècle avant notre ère.
Le canon rédigé en sanskrit est, quant à lui, issu de la tradition Mahayana, ou « Grand Véhicule », école du bouddhisme apparue au début de notre ère. Bien qu’incomplet, il est également riche d’enseignement sur le personnage du Bouddha, en particulier dans le Mahavastu, le « Grand Récit », et plus encore au travers du très populaire Lalitavistara, le « Développement des Jeux ». Presque tous les textes sont malheureusement perdus dans leurs versions originales et ne sont accessibles que par le biais de traductions chinoises et tibétaines établies près de dix siècles après la mort du Bouddha.
Enfin, en marge des écritures canoniques, on citera le Buddhacharita ou « Vie du Bouddha ». Cette épopée, de style hagiographique, fut rédigée en sanskrit par le célèbre poète Ashvaghosha au IIe siècle de notre ère.
Cet immense corpus a été rédigé par les bouddhistes eux-mêmes dans le but premier de témoigner de leur foi et de glorifier le souvenir de leur maître, et non de restituer des faits. Inépuisables sources d’inspiration pour les peintres et les sculpteurs, ces matériaux traditionnels recèlent néanmoins ici et là pour les biographes de précieuses informations sur la vie du Bouddha. Mais, soumises à un examen attentif, la plupart s’avèrent insatisfaisantes. Si de nombreux épisodes convergent, les variations y sont très, pour ne pas dire trop, nombreuses. De plus, le légendaire et le poétique y côtoient sans cesse le surnaturel et le symbolique. L’anachronisme est récurrent. Plus on avance dans la lecture de ces textes, plus l’analyse rationnelle chancelle, le bon sens s’insurge et l’espoir d’arriver à établir des faits diminue !
Extraits
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