#Roman étranger

Régime à sec

Dan Fante

Huit histoires d'une honnêteté décapante, où l'on croisera un chauffeur de taxi à bout de souffle, un macho battu par sa femme, un chien minuscule et méchant, une masseuse nympho qui écarte les cuisses au milieu des embouteillages... Portrait défait de L.A. sous JB, gueule de bois, addiction à la détresse et solitude vaporeuse. Du grand art.

Par Dan Fante
Chez 13e Note Editions

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Genre

Littérature étrangère

Au lecteur français NOTE de l’auteur

Pour mon retour dans les librairies françaises après une absence d’une demi-douzaine d’années, on m’a invité à présenter ce nouveau livre, Régime sec.

Je suis un écrivain français. L’ affirmation pourra surprendre : après tout, je suis né à Los Angeles avec la nationalité américaine, j’ai long- temps vécu à New York et je n’écris ni ne parle français. Pourtant, je me considère comme un écrivain français.

Voici comment je le suis devenu.

Il y a dix-huit ans, après deux années d’efforts, je terminais mon premier roman, Chump Change. J’ai aussitôt acheté un livre intitulé The Writer’s Market, qui donne la liste de tous les éditeurs et agents litté- raires d’Amérique.

En fait, ce n’est pas tout à fait vrai. Je n’ai pas acheté ce livre. Je l’ai trouvé dans une librairie de Venice, en Californie; c’était une édition coûteuse et j’ai recopié les noms et adresses de plus d’une trentaine d’agents et éditeurs susceptibles de s’intéresser à un roman tel que le mien.

Puis j’ai écrit à chacun d’eux, en joignant à mes courriers un chapitre de mon manuscrit. Pas un agent, pas un éditeur n’a exprimé le moindre désir de me représenter ou de publier mon premier roman.

Par l’intermédiaire d’un ami écrivain, je suis alors entré en relation avec un agent littéraire basée au Texas, à quelque quinze cents kilo- mètres de chez moi. Elle se prenait pour quelqu’un de brillant et de très important dans le monde de l’édition. Elle était si importante, elle jouait un rôle si crucial dans la littérature américaine que je n’ar- rive même pas à me rappeler son foutu nom.

Cette femme, appelons-la Susan, m’a affirmé avoir envoyé mon manuscrit à plusieurs dizaines d’éditeurs au cours des dix-huit mois suivants. De temps en temps, elle me transmettait leurs avis de refus. Ces messages donnaient tous l’impression d’avoir été rédigés par la même personne, et je me suis rendu compte que la plupart de leurs auteurs n’avaient même pas lu mon livre.

Découragée, Susan a disparu de ma vie dans un nuage d’autosatis- faction morose et frustrée, en me disant de réécrire mon roman. Je me souviens qu’elle m’a même raccroché au nez. N’oublions pas que Susan était une personne brillante et extrêmement importante, du moins pour elle-même.

C’est ainsi que je suis devenu mon propre agent littéraire. J’avais un emploi, à l’époque ; toutes les semaines, pendant la pause du déjeuner, je montais dans ma vieille guimbarde et me rendais au bureau de poste pour envoyer mon manuscrit à divers éditeurs. Mon travail était mal payé et ces frais d’affranchissement me mettaient sur la paille ; néanmoins, j’ai continué à poster mon bouquin.

Pour ma petite amie de l’époque, une prof, ce que je faisais était inutile et idiot, une perte de temps. Elle était bonne en statistiques mais plus encore au plumard, avec des nichons splendides. Chaque fois qu’on avait fini de baiser, ma carrière d’écrivain revenait sur le tapis. Mon amie n’oubliait jamais de souligner que je perdais mon temps à écrire et que TOUS les écrivains américains exerçaient un emploi. Pourquoi pas moi ? Je n’avais aucun avenir.

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trad. Léon Mercadet
01/04/2009 141 pages 19,50 €
Scannez le code barre 9788493664718
9788493664718
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