#Polar

Le retour du professeur de danse

Henning Mankell

Décembre 1945. Dans l'Allemagne vaincue, un passager solitaire descend d'un avion militaire britannique et se rend à la prison de Hameln. Là, il procède à la pendaison de criminels de guerre nazis. Mais l'un d'eux a échappé à son sort. Octobre 1999, dans le nord de la Suède, Herbert Molin, un policier à la retraite, est torturé à mort. Dans sa maison isolée, les empreintes sur le parquet semblent indiquer que le tueur a esquissé un tango sanglant avec sa victime. Ici, ce n'est plus le commissaire Wallander qui mène l'enquête. Au même moment, à l'autre bout de la Suède, le jeune policier Stefan Lindman apprend deux mauvaises nouvelles : il a un cancer et son ancien collègue a été assassiné. Pour tromper son angoisse, il décide de partir dans le Härjedalen et d'enquêter lui-même sur ce meurtre. Or, les ombres d'un passé très noir se sont réveillées. Elles ont frappé. Elles vont frapper encore et encore. Stefan a peur. Mais il est jeune, malade. Il ignore combien de temps il lui reste à vivre. Il n'a rien à perdre.

Par Henning Mankell
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Policiers

Le 12 décembre 1945, peu après quatorze heures, l’avion décolla de la base militaire des environs de Londres. Il faisait plutôt froid et une pluie fine tombait sur la piste, où des bourrasques irrégulières s’engouffraient dans la manche à air ; puis le calme revenait. L’appareil, un bimoteur Bristol Blenheim, avait déjà servi lors de la bataille d’Angleterre, à l’automne 1940. Plusieurs fois touché par des chasseurs allemands et contraint à des atterrissages forcés, il avait toujours pu être réparé et renvoyé au combat. Depuis la fin de la guerre, on l’employait essentiellement à des opérations de transport de vivres et de matériel à l’intention des troupes anglaises stationnées dans l’Allemagne vaincue.

Ce matin-là, le capitaine Mike Garbett avait appris qu’il convoierait après le déjeuner, vers un lieu nommé Bückeburg, non pas du matériel mais un passager unique, qu’il devrait ensuite récupérer au même endroit et rapatrier en Angleterre le lendemain soir. L’identité du passager et l’objet de son déplacement ne lui furent pas révélés par le major Perkins, son plus proche supérieur hiérarchique. Garbett ne posa pas de question ; la guerre avait beau être terminée, il lui semblait parfois qu’elle continuait comme avant. Les transports secrets n’avaient rien d’exceptionnel.

Muni de son ordre de mission, il s’installa dans l’un des baraquements en compagnie du copilote Peter Foster et du navigateur Chris Wiffin. Ils déroulèrent sur la table les cartes du nord-ouest de l’Allemagne. La base de Bückeburg se trouvait à quelques dizaines de kilomètres de la ville de Hameln. Garbett n’y était jamais allé, mais Peter Foster, lui, connaissait l’endroit. Aucune difficulté prévisible à l’approche – ce n’était pas un coin montagneux. Le seul problème pourrait venir du brouillard. Wiffin partit consulter les météorologues. À son retour, il annonça qu’on prévoyait un ciel dégagé dans l’après-midi et la soirée au-dessus de l’Allemagne du Nord. Ils établirent le plan de vol et calculèrent la quantité de carburant nécessaire avant de ranger les cartes.

– Nous aurons un passager à bord, dit Garbett. Je ne sais pas qui c’est.

Les deux autres ne réagirent pas ; le contraire l’aurait d’ailleurs étonné. Il volait avec Foster et Wiffin depuis trois mois maintenant. Ils étaient liés par le simple fait qu’ils faisaient partie des survivants. Beaucoup de pilotes de la Royal Air Force étaient morts ; aucun des trois n’aurait pu énumérer tous les amis perdus depuis le début de la guerre. Le fait d’être encore là n’était pas seulement un soulagement. Il y avait une souffrance à jouir de cette vie dont les autres, les morts enfouis sous la terre, avaient été privés.

Peu avant quatorze heures, une voiture couverte franchit les grilles de l’aéroport. Foster et Wiffin étaient déjà à leur poste et vaquaient aux derniers préparatifs avant le décollage pendant que Garbett attendait, debout, sur le tarmac de béton fissuré. Il fronça les sourcils en voyant que leur passager était un civil. L’homme trapu qui venait d’émerger de l’arrière du véhicule, un cigare éteint entre les dents, ouvrit le coffre et en sortit une petite valise noire. Au même moment, la jeep du major Perkins apparut. L’homme qui devait se rendre en Allemagne avait le chapeau enfoncé au ras des yeux, de sorte que Garbett ne put saisir son regard ; il en éprouva un malaise indéfinissable. Quand le major Perkins le présenta, et qu’en retour le passager marmonna son nom, Garbett ne le comprit pas.

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trad. Anna Gibson
06/04/2006 409 pages 22,20 €
Scannez le code barre 9782020522960
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