#Essais

Nietzsche

Patrick Wotling

Issues de la tradition ou de l'air du temps, mêlant souvent vrai et faux, les idées reçues sont dans toutes les têtes. L'auteur les prend pour point de départ et apporte ici un éclairage distancié et approfondi sur ce que l'on sait ou croit savoir.

Par Patrick Wotling
Chez Editions Le Cavalier Bleu

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Genre

Philosophie

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Nous ne sommes jamais compris – d’où notre autorité.

 

Crépuscule des idoles, « Maximes et flèches », § 15

 

 

 

« Nietzsche porte une responsabilité accablante dans les événements qui ont ensanglanté l’histoire du XXe siècle. » « Loin d’en être l’une des sources intellectuelles, il a au contraire prophétisé les tragédies que le monde était sur le point de connaître quelques décennies après sa disparition. » « Nietzsche a embrassé un cheval dans la rue, signe qu’il était devenu fou » – « signe, tout au contraire, qu’il était habité, quoi qu’il en ait dit, par une pitié indomptable ». « Nietzsche n’est jamais parvenu à surmonter sa rupture avec la religion de ses pères. » « Il était avant tout un athée furibond et voulait détruire le christianisme. » « Il se droguait en usant d’un calmant javanais. » « À Turin, il a dansé nu devant sa logeuse médusée. » « Il n’a jamais réussi à devenir le philosophe qu’il aspirait à être. » « Il a au contraire dépassé le premier la métaphysique » – « à moins qu’il n’ait fait que la prolonger en en demeurant captif. »

On allongerait sans la moindre peine la liste des idées reçues qui prospèrent depuis plus d’un siècle autour de l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra. Nul penseur n’a plus que lui suscité, tant par sa vie que par sa pensée, la curiosité, l’attirance ou la crainte, et par-dessus tout les déchaînements d’opinions les plus passionnées. L’originalité de sa pratique de la philosophie, le caractère profondément novateur et parfois énigmatique de ses analyses, la virtuosité souvent fascinante de son style, comme l’existence errante qui fut la sienne, et finalement le parfum de scandale et de mystère attaché à la crise de Turin en janvier 1889 ont abondamment alimenté les théories les plus débridées à son sujet. « Nietzsche n’est-il pas par excellence celui qui attire les fantasmes, les projections, l’inconditionnalité de lecteurs “ultras” ? », demande Éric Blondel avec justesse (Nietzsche, le corps et la culture, PUF, 1986, rééd. L’Harmattan, 2006, p. 12) – et l’on ajoutera : tant parmi les techniciens de la philosophie qu’au sein du grand public. À chacun son Nietzsche, en quelque sorte – qu’il épouse avec une apparence d’harmonie les convictions personnelles, les préjugés et les engagements de l’interprète, suffit trop souvent à fixer son image et la valeur qu’on lui confère, pour le meilleur et pour le pire. Et qu’importe, dans ces conditions, qu’un tel homme ait choisi avec fermeté de se qualifier de « sans nom », de « difficile à comprendre », voire même d’« incompréhensible », qu’il ait sans relâche exigé de lui et des autres la prudence, la probité, le scrupule – qu’importe que Nietzsche ait adressé à lui-même et à ses lecteurs cette mise en garde invitant à suspendre les conclusions hâtives et mener froidement un examen de conscience : « Qui sommes-nous donc ? » (Le Gai Savoir, § 346.)

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11/09/2009 127 pages 10,95 €
Scannez le code barre 9782846702706
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