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S’évader, c’était comme exécuter un tour de magie. Le secret résidait dans l’illusion. Certaines évasions nécessitaient de planifier chaque détail ; d’autres s’avéraient être de véritables tours de force, requérant audace et souplesse, d’un point de vue physique et mental ; d’autres encore étaient une combinaison des deux. Mais quelles que soient les méthodes employées, l’illusion jouait un rôle primordial. Et pour ce qui était de faire illusion, il n’avait de leçon à recevoir de personne.
La meilleure des illusions étant celle que le spectateur ne soupçonnait même pas. Pour la réussir, il fallait faire en sorte que le tour de passe-passe soit complètement indiscernable.
Certains environnements rendaient les choses plus compliquées que d’autres. Par exemple un bureau où tout fonctionnait avec la précision d’une horloge. Il vous fallait de l’ingéniosité pour passer inaperçu dans un endroit comme celui-ci parce que tout ce qui sortait de l’ordinaire sautait aux yeux et restait ancré dans les mémoires. Mais en prison, il y avait tellement de paramètres, d’individus imprévisibles ; une hiérarchie complexe ; des querelles pour des petits riens qui pouvaient se transformer rapidement en violentes disputes ; et des frustrations refoulées qui n’étaient jamais loin d’éclater comme un bouton mûr. Tout pouvait basculer à n’importe quel moment, et personne ne pouvait dire d’un incident s’il s’agissait d’une mise en scène ou d’un banal accrochage qui avait dégénéré. L’existence de tous ces paramètres en décourageait certains. Mais pas lui. Pour lui, toutes ces possibilités étaient autant d’opportunités à saisir, d’options à étudier jusqu’à trouver la parfaite combinaison d’individus et de situations.
Il avait d’abord envisagé d’orchestrer une fausse bagarre en soudoyant deux types. Mais c’était trop risqué : plus il y avait de personnes au courant de ses projets et plus il y avait de risques d’être trahi ; et puis, la plupart de ses codétenus étaient ici parce que leurs précédents projets avaient échoué lamentablement. Ils n’étaient sans doute pas les mieux placés pour mettre en place un numéro convaincant. Par ailleurs, on ne pouvait jamais écarter la possibilité d’un acte stupide. Mettre en scène une bagarre était donc hors de question.
Cependant, ce qu’il y avait de bien avec la prison c’était l’éventail de possibilités qu’elle offrait.
Les détenus s’inquiétaient pour leurs proches : ils avaient des maîtresses, des épouses, des enfants et des parents qui pouvaient être soumis à la tentation ou à la violence. Ou qu’on pouvait tout simplement menacer.
Il avait observé et attendu, réunissant les données avant de les évaluer, calculant lesquelles lui offriraient les meilleures chances de succès. Heureusement, il n’avait pas eu à compter sur ses seules capacités d’observation. Un complice à l’extérieur lui avait fourni des informations qui l’éclairaient sur certains points demeurés obscurs. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour trouver le maillon faible.
Extraits
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