Avant-propos
Château-Gontier, 30 octobre 1935. Chapelle de l’hospice Saint-Joseph. Il est midi dans cette paisible sous-préfecture de l’ouest de la France qui, à quelques lieues de Laval, s’étire le long de la Mayenne, bordée de peupliers aux feuilles déjà jaunissantes.
C’est la sortie d’une messe de mariage et un modeste flot d’invités endimanchés s’écoule lentement au son des cloches… Avant de se diriger vers un jardin tout proche où leur sera offert un vin d’honneur. Ce sera ensuite l’Hôtel Anglais où les attend le traditionnel banquet de noce terminé par l’obligatoire « pièce montée ».
Scène banale s’il en fut qui réveille de temps à autre cette petite cité de la France profonde.
Mais qui sont ces jeunes mariés ?
Lui ? C’est un jeune homme très brun aux yeux de velours tapis sous d’épais sourcils broussailleux. Âgé de vingt-quatre ans, il vient tout juste d’être nommé professeur de lettres dans un lycée de Marseille. Elle ? vingt-trois ans, est une étudiante en droit, fille d’un médecin local honorablement connu… Leurs noms ? Lui, c’est un certain… Georges Pompidou, un nom, qui, si l’on excepte sa bizarre sonorité, n’a visiblement rien qui mérite d’attirer notre attention. Elle ? Une certaine Claude Cahour…
Rien a priori qui permette de présager l’exceptionnel destin de ce couple qui va pourtant laisser une trace singulièrement importante dans l’histoire de notre pays.
N’y avait-il pas les plus grandes chances pour que ce jeune professeur de lettres terminât sa carrière dans quelque lycée parisien, peut-être chargé d’une « khâgne » ou comme proviseur, pour peu qu’il fût las de l’enseignement ! Il fût parti en retraite avec les palmes académiques…
Quant à la jeune femme, tout ne portait-il pas à croire qu’elle allait, une fois « casée », abandonner sans regrets d’austères études juridiques pour se consacrer à son foyer et aux enfants que son époux n’eût pas manqué de lui donner…
La réalité allait cependant porter un brutal démenti à l’évocation de ce destin tout tracé…
On comprend mieux la suite des événements si l’on fait revivre à tour de rôle ces deux êtres durant les années qui précédèrent leur rencontre. Qui sont-ils à cette période de leur existence – enfance, adolescence, jeunesse – durant laquelle la lignée, le milieu social, le moment où elles se situent, jouent un rôle décisif dans la formation de leur personnalité ?
I
Georges
Ce n’est pas seulement le patronyme de Pompidou qui était d’une bizarrerie comique et faisait dire au général de Gaulle qu’il devrait se débarrasser de ce nom de « coureur cycliste » s’il prétendait se lancer dans la politique. Pis encore, s’acharnant sur lui, un malencontreux hasard devait le faire naître à… Montboudif : un nom dont la consonance ne peut que déclencher l’hilarité, évoquant plutôt l’univers de la bande dessinée que l’annonce d’un grand destin national.
Extraits
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