Los Angeles
Hugh McPhail laissa tomber son pantalon, le fourra dans son sac à dos et se mit à courir.
Tandis que ses pieds prenaient leur rythme, il regarda devant lui le train qui s’éloignait en cliquetant suivi d’un panache ondoyant de fumée noire, le vieux « Superchief » qui l’avait transporté à travers la moitié du continent américain. C’était la première fois qu’il avait voyagé dans un fourgon à bestiaux muni d’un ticket qui l’affranchissait de toute crainte, et il en avait tiré un certain sentiment de sécurité. Juste avant de quitter le train, il avait jeté son billet au vieil homme resté assis dans son coin sans le regarder durant les deux mille kilomètres du voyage. « Tiens, vieux, ça t’évitera une correction », avait-il dit. Puis il avait sauté du wagon.
Au-dessus de lui, le panneau indicateur annonçait : LOS ANGELES – 10 KM. Autrement dit : quarante minutes. McPhail courait avec aisance, sur les talons, à foulées basses et mesurées, ses pieds quittant à peine le sol. Outre son sac à dos, dont les épaisses bretelles matelassées lui protégeaient les épaules, il portait une casquette écossaise plate. Son torse n’était pas celui d’un coureur : ses épaules et son dos, en particulier, étaient solidement musclés ; mais des mois d’entraînement à la course de fond avaient décapé son corps de la moindre parcelle de graisse. À mesure qu’il courait, des filets de sueur se mirent à rouler sur ses joues bronzées, se rejoignant pour former des ruisseaux sur son dos et sur sa poitrine. Le liquide salé lui piquait les yeux. Il s’essuya d’un revers de main et leva la tête pour regarder le soleil. Midi : mauvaise heure pour courir.
Pendant près de deux kilomètres, il n’y eut rien d’autre que la route de terre battue, dont la surface souple se déroulait devant lui à travers la plaine brune comme un ruban négligemment jeté par un enfant. Le sol était grêlé de trous, qui brisaient son rythme mais maintenaient son attention en éveil.
C’était une contrée riche, dont la terre n’avait rien à voir avec celle du pays d’où il venait : au nord, la lande et la bruyère, au centre, le charbon et les constructions navales, au sud, encore la lande. Ici, au contraire, tout débordait d’une chaude vitalité et la terre grouillait de mouvements. C’était une terre étrangère mais généreuse, et McPhail ne redoutait pas les nombreux kilomètres qu’il devrait bientôt y parcourir.
Son regard embrassait les sillons cultivés, de chaque côté de la route. Après un moment de réflexion, il sourit. Il n’avait jamais pensé aux oranges comme à quelque chose qui poussait effectivement ; elles arrivaient simplement à l’épicerie du bout de la rue, sans qu’il se fût jamais demandé d’où elles pouvaient venir. Voici qu’elles étaient là, sur des arbres en rangées bien nettes qui s’étiraient autour de lui, loin dans la brume de chaleur. La vie végétale et la température rendaient l’air savoureux, et McPhail en aspira le parfum tandis que ses oreilles absorbaient le vrombissement régulier des insectes.
Extraits
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