Editeur
Genre
Littérature française
TOFLA
Au pied du Djebel Bouguetrane, sur la petite parcelle de Tofla, à portée de vue de la tribu d’AZZRA, tout près de la ferme de Aïn Cerdouc, Hamadi s’amusait à se dire intérieurement, que pour travailler si droit, sa jument devait avoir capturé l’étoile polaire. Des heures durant, haletant, il labourait profond la grasse terre de Tofla. Il surveillait le tranchant de sa charrue dont le soc poli, à la façon d’un miroir, lui renvoyait par instant sans prévenir l’éclat éblouissant d’un fugace éclair de soleil.
En bout de sillon, il jeta un rapide coup d’œil à l’ombre de l’olivier situé en bordure de la source de Aïn Cerdouc, tout près du sentier qui menait à la ferme, au travers du verger.
L’ombre dense de l’arbre au feuillage dru, croulant sous la poussée des fruits bientôt mûrs, venait lécher la pierre étrange qu’il avait posée là, sur les conseils des Anciens, il y aurait de cela bientôt dix-huit mois à la prochaine lune.
Déjà midi, constata Hamadi. Il détela, enfila la musette par-dessus le col de la jument, servit la ration d’orge bien gras.
De ce même geste répété de père en fils depuis des millénaires, assis à même le sol, les jambes croisées sous son séant, il délia le nœud du linge blanc qui retenait son repas, commença d’y fouiller pour en extraire le contenu.
Affamé, appréciant sa nourriture, son regard embrassait les plaines et les monts de Kroumirie endormis sous la chaleur écrasante d’un soleil à son zénith.
Il releva le chef, parcourut du regard le nimbe des cieux, interrogeant hardiment le cosmos et l’ensemble de la Création.
Quelque chose, comme une sorte de pensée, qu’il lui était impossible d’analyser, qu’il ne pouvait que pressentir, le fit tressaillir. Fataliste de nature, il n’en tint pas compte s’en remettant à son destin…
Rassasié et reposé, riche de ses nouvelles forces, il reprit son labeur.
À la tombée du soir, il détela la jument, ensemble d’un même pas, ils regagnèrent la ferme.
La nuit s’était posée sur la paisible parcelle de Tofla l’enveloppant d’un épais manteau de brume bleutée.
Au bord du chemin, le brabant au repos gisait immobile dans son sillon.
Hamadi prit son repas du soir en famille, soucieux du respect qu’il devait à son père, pria Si Salah de bien vouloir l’excuser.
Il regagna son abri de tourbe et de chaume, défit ses sandales de peau de mouton, souffla la mèche de la lampe à huile, s’enroula dans sa couverture de couleur et songea au lendemain, jour de repos, de fête et de grand départ.
Rêveur, il s’endormit du sommeil du juste pensant à sa promise.
LE TRIBUN
Tremblant de peur Hamadi s’approcha de la meule de fumier qu’il escalada, répondant ainsi au vœu de Mohamed, homme de confiance de Si Salah.
Dès l’aurore, la tribu s’était rassemblée, s’interpellant joyeusement, comme à chaque fois qu’un événement extraordinaire se produisait.
Extraits
Commenter ce livre