#Essais

Lady Scarface

Diane Ducret

Chicago. Début des années folles. Le Syndicat du crime n'est pas qu'une affaire d'hommes, il se conjugue aussi au féminin. Elles sont fugueuses, frondeuses, parfois meurtrières, mais toujours rebelles. Elles s'appellent Mary Josephine Capone alias Mae, Ada et Minna Everleigh, les Impératrices du vice, Margaret Collins, la Fille au baiser mortel, Louise Rolfe, l'Alibi blond, Bonnie Parker, la Juliette au revolver, ou encore Virginia Hill, le Flamant rose : elles sont les compagnes d'infortune comme de gloire d'Al Capone, Clyde Barrow ou Bugsy Siegel, barons noirs des années de plomb qui ont fait trembler l'Amérique. Traquées par le légendaire patron du FBI John Edgar Hoover, muses de la prohibition et de ses fêtes décadentes, elles n'ont rien à envier aux gangsters, l'intelligence et les talons hauts en prime. Le crime ne paie peut-être pas, mais il séduit toujours. A partir d'archives déclassifiées du FBI et d'Alcatraz, de journaux de l'époque, d'entretiens avec des descendants et de documents inédits, Diane Ducret dévoile avec le talent qu'on lui connaît l'intimité de celles qui ont choisi d'être des Lady Scarface, à la vie à la mort…

Par Diane Ducret
Chez Librairie Académique Perrin

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Genre

Sciences politiques

« Vous autres femmes, vous êtes habituées à être le premier mobile des tragédies, comme vous l’êtes de ce monde. Il faut que vous soyez amoureuses comme des folles, que vous ayez des rivales, que vous fassiez des rivaux ; il faut qu’on vous adore, qu’on vous tue, qu’on vous regrette, qu’on se tue avec vous. »

VOLTAIRE, lettre à Mme Denis, 26 décembre 1750.

Mille chimères, mille vanités mènent un homme à la guerre. Lorsque l’orgueil et le pouvoir, la vengeance et l’honneur – ces quatre cavaliers de l’Apocalypse – s’embrasent en lui, il entraîne dans son sillage de fer et de sang sa famille, son clan, quelquefois un pays tout entier.

Ainsi irait la « vie » des hommes si un élément, le plus volatil, le plus incontrôlable, ne venait perturber l’œuvre au noir de l’histoire : l’amour. Il pousse les stratèges les plus aguerris, les Césars redoutés, à toutes les excentricités, aux risques inconsidérés, pour une seule raison, le désir d’être aimé. Chaque meurtrier d’envergure a une femme à ses côtés, dans une recherche inavouée d’équilibre entre la brutalité et la grâce, le vice et la vertu, Eros et Thanatos. L’amour et la guerre sont les deux chevaux d’un même attelage endiablé, jamais l’un ne s’emballe autant que lorsqu’il est talonné par le second.

Au début des années 1930, la crise économique, le chômage, les famines enterrent les années des folles espérances d’un monde en paix. Et tandis qu’en Europe des tyrans imposent leur volonté et s’apprêtent à mettre le continent à feu et à sang, aux Etats-Unis, ceux qui font trembler le pays et lui déclarent une guerre intérieure ne sont pas des dictateurs, mais des gangsters.

Ils moquent les institutions, respectent leur propre code d’honneur, édictent leurs lois non écrites, créant un pouvoir d’un ordre nouveau, la mafia. Ils ont un maître, Al Capone, un lieu, Chicago, un terrain, la prohibition.

Ils sont les pupilles d’une génération déboussolée, celle des totalitarismes et de toutes les transgressions, qui enfante aux Etats-Unis la violence de masse et le gangstérisme. Dans cette société où l’ultrareligiosité, la hantise du krach, l’usage intensif des armes à feu, l’immigration et les difficultés de l’intégration font écho à la nôtre, bondissent des personnages aux couleurs fauves : Al Capone, dit Scarface, John Dillinger, Clyde Barrow et leurs ennemis, Eliot Ness et J. Edgar Hoover. Le crime ne paie peut-être pas, mais il séduit.

Et dans la ville de tous les vices, où pullulent maisons de plaisir et de boisson, ces gangsters sèment partout autour d’eux des femmes prêtes à aimer, souffrir, mourir à leur côté. Ils défraient la chronique et soulèvent dans une traînée de poudre les cœurs de jeunes amoureuses avides de vivre des passions que la société leur interdit.

Nées avec le siècle dans Chicago la magnifique, on les appelle les « fiancées de la poudre » : elles sont la bête noire des agences de renseignements du pays qui voient en elles des corruptrices, des femmes trop libres pour la société encore victorienne et puritaine qui est celle des Etats-Unis. Elles s’appellent Ada, Minna, Mae, Buda, Kathryn, Evelyn ou Bonnie. Troquant la vertu pour le vice, ces Miss Flinguette ont l’esprit de sédition chevillé au cœur. Elles rêvent d’amour libre, loin des normes imposées à leur sexe, seule transgression pour ces insoumises éprises de liberté autant que de danger en des temps où l’ordre sert de paravent à leur mise au pas. Ces Ladies Scarface brisent les schémas établis du couple, inversent les rôles à une époque d’apogée du machisme, s’affranchissent de la morale et font fi de tous les dangers, au péril de leur propre vie. Depuis les clubs de jazz de la prohibition, entre braquages et enlèvements, courses-poursuites et enterrements, elles ont choisi une maxime : se rebeller ou mourir. Méfiance, l’on peut tout attendre et tout craindre d’une femme amoureuse.

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18/04/2016 415 pages 21,00 €
Scannez le code barre 9782262064297
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