#Essais

Syd Barrett, le rock et autres trucs

Jean-Michel Espitallier

Figure mythique du rock, fondateur du Pink Floyd dont il compose la quasi-totalité du premier album, Syd Barrett sort de la scène début 1968, à 22 ans, en pleine gloire, foudroyé par le succès et les drogues qui font exploser son esprit fragile. Renvoyé du groupe, il signe encore, péniblement, deux albums solos qui deviennent immédiatement des disques culte. En 1971 tout est fini. Il ne tarde pas à rentrer chez sa mère à Cambridge. La légende peut commencer. Jusqu'à sa mort en juillet 2006, Syd Barrett fera l'objet d'une véritable adulation, icône vivante bien malgré lui, modèle et inspiration pour des dizaines de rock stars (David Bowie, Marc Bolan...). Une flamboyante mort artistique. Ce livre fouille le mystère Barrett, mais va plus loin en interrogeant d'"autres trucs " : la question du fan, figure récente de la modernité ; celle du mirage d'une éternelle jeunesse comme horizon rêvé d'un bonheur qu'incarne le rock depuis ses origines ; celle enfin de notre besoin d'illusions et de leurres qui nourrit la machine à inventer des mythes. Dans un style volontiers iconoclaste, Jean-Michel Espitallier évoque sa vraie fausse rencontre avec Barrett à Cambridge en 2004, donne sa propre vision du rock mêlant érudition musicale, références littéraires et souvenirs personnels. Parce que Syd Barrett, central certes, n'est que le fil rouge de quantités d'autres histoires que raconte Jean-Michel Espitallier dans ce livre baroque, drôle, impertinent.

Par Jean-Michel Espitallier
Chez Philippe Rey

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Genre

Musique, danse

 

 

 

 

 

 

ON

 

 

Comme d’une part les Anglais ne souhaitaient pas entrer dans la combine, et qu’ils étaient protégés depuis très longtemps du continent par une poignée de kilomètres de mer sur laquelle plein de gens n’avaient jamais voulu se mouiller, et comme, d’autre part, les Allemands qui souhaitaient les faire entrer quand même dans la combine s’étaient bricolé pour l’occasion des avions archiperformants et même des fusées superméchantes qui passèrent par-dessus la poignée de kilomètres de mer avec leurs millions de quintaux de bombes qu’ils sont allés expédier directement sur pas mal de villes anglaises qui ripostèrent avec la DCA, dans le ciel anglais ce fut pendant quelque temps des feux d’artifice mégaquadrichromiques alors qu’en bas, à l’arrivée des millions de quintaux de bombes allemandes, des superméchantes fusées et parfois des avions archiperformants qui s’étaient pris un obus anglais dans le ventre, on n’était pas à la fête et les villes anglaises qui ont été très durement touchées ont été reconstruites vite vite en 1945 parce que les paquets de ruines, ça va un moment, et on a reconstruit pas mal de quartiers en style 45, c’est-à-dire pas très drôle, assez géométrique, très standardisé, et surtout les banlieues parce que, depuis toujours, et pas seulement en Angleterre, c’est en banlieue qu’il y a les industries et que dans les guerres ce sont les industries qu’il faut paralyser même si, stratégiquement, un peu de bombardement de terreur sur les populations civiles ne peut faire de mal à personne. Et donc, il y a tout lieu de penser que la banlieue sud de Cambridge fut durement touchée dans les années quarante parce que tous les bâtiments sont construits à la mode de l’après-guerre c’est-à-dire pas très drôle, assez géométrique, très standardisée. Tout ça pour dire que le lieu où je vais vous emmener n’est pas très folichon.

 

 

 

 

 

 

 

 

I know where Syd Barrett lives

 

 

« Au matin j’avais le regard si perdu et la contenance si morte, que ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu. »

Arthur Rimbaud, Une saison en enfer

 

« Quand je suis seul, je ne suis pas là. »

Maurice Blanchot, L’Espace littéraire

 

 

Ce lieu pas très folichon, c’est Cherry Hinton Road, dans la banlieue sud de Cambridge. Une large avenue sans charme, bordée de pavillons standard et de commerces de proximité. Trafic ininterrompu de voitures et camions venus d’ailleurs fuyant là-bas en file indienne. Pas d’âme, un ballet bruyant-mou de vies c’est-pas-une-vie. Sur les contre-allées, on peut croiser au choix, et même sans vraiment choisir, quelques retraités retour des commissions, de jeunes mères en jogging accrochées à la poussette sous laquelle s’empilent des paquets de couches, deux pour le prix d’un, de temps en temps un cadre-succursale, des cyclistes tous modèles. Et comme c’est le matin, et que nous sommes en Angleterre, on imagine que tout ce beau monde a le ventre plein de bacon-eggs-marmelade-scones-beans-saussage flottant dans un demi-litre de thé anglais. Pluie verglaçante, suburban sky. En gros, pas superdrôle.

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19/02/2009 189 pages 17,00 €
Scannez le code barre 9782848761299
9782848761299
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