Prologue
Dans les semaines et les mois qui ont suivi l’assassinat de mes enfants, j’ai cru mourir moi aussi. D’abord sont venus la douleur et le désespoir. Puis, plus sournoisement, s’est installée en moi l’envie de rien. Sentiment confus du non-sens de la vie. Trou noir dans ma tête… Allais-je lâcher prise ? Finir mon existence comme un légume ? Je ne me le demandais même pas, trop absente pour organiser en moi-même la moindre réflexion. Abandon des jours qui passent, errance, glissade vers la folie sans doute… Puis peu à peu, sans que je ne décide rien, et comme s’imposant de lui-même, l’amour de mes enfants assassinés est remonté à la surface.
Le soleil avait percé les nuages…
Hélène ! Christophe ! Je vous revois souriants et joyeux, confiants dans la vie et dans les autres, tellement vivants dans mon cœur ! Tellement vivants que je veux vivre moi aussi…
C’est le temps qui a fait son œuvre.
Surgit alors l’envie de raconter. Une envie plus forte que tout et qui s’impose à moi comme une évidence. Oui, ce drame que j’ai vécu, je veux le partager avec le plus grand nombre, pour évacuer cette peine trop longtemps contenue… en essayant de dire l’indicible. Écrire pour tourner la page de ces années de galère. Parce que je ne veux pas seulement me soigner (soi… nier), je veux guérir ! (gai… rire).
J’ai tellement de choses à dire…
Bon nombre de gens auront gardé le souvenir du double meurtre d’Ornex (Ain). Largement reprise dans la presse, la nouvelle du drame a assez ému la région franc-comtoise pour imprégner les mémoires ; un événement dont la date restera gravée à jamais au plus profond de mon âme…
C’était le 1er janvier 1996.
On se demandera alors pourquoi j’ai attendu si longtemps pour coucher sur le papier le fardeau du malheur.
Seize ans !!!
Il m’a fallu seize ans pour retrouver le goût, et j’ose dire, la joie de vivre ; celle qui donne l’énergie d’écrire. Pour retrouver aussi cette tranquillité, cette paix de l’esprit, sans laquelle seule la colère parle, transformant la réalité des faits et des circonstances en un cri.
Seize ans pour me reconstruire, atteindre la lucidité, le détachement qui permettent de dire les choses telles qu’elles se sont passées, sans fard, sans excès, sans injustice. Tout ce temps aussi pour atteindre, approcher devrais-je dire, la vérité. Vérité que j’estime devoir, par-delà la mort, à Hélène, à Christophe, à moi-même.
Et pour être sûre de tenir à distance la passion, je décide d’écrire à la troisième personne. Ce sera « Carole, elle » plutôt que « moi, je ».
Reste à poser la question du pourquoi… Alors… pourquoi ce livre ?
UN LIVRE POUR ÉVACUERla peine, je l’ai dit. Et puis…
UN LIVRE POUR METTRE EN LUMIÈRE aux yeux de tous, les lenteurs de l’imposante machine qu’est la justice pénale, et bien plus encore, les incompréhensions de la procédure civile qui n’a pas pu, pas su, pas voulu barrer la route au malheur.
Extraits
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