#Roman francophone

Noir sur blanc

Brice Parain

Noir sur blanc est une expression dure. Quand on dit qu'on va mettre ceci ou cela "noir sur blanc" on s'attend à faire un geste, un peu définitif, sur lequel on n'aura pas tout de suite à revenir, qui même, au contraire, pèsera sur tout le reste pendant un certain temps. Ecrire, parler est donc toujours un peu ahurissant, mais devient parfois aussi terrible, comme la vie. C'est ce qui arrive à M. Jamet, quand il voit ce qu'il ruminait se transformer en discours, qu'il prononce. Il ne réussit pas à maîtriser toutes ses paroles. Il y en a même après lesquelles il court, et qu'il a beaucoup de mal à rattraper. Le spectacle qu'il offre ainsi ne peut être que tantôt drôle, tantôt un peu effrayant. M. Jamet a été jaloux de sa fille lorsqu'elle était petite. Tout est parti de là. Les maris sont souvent jaloux de leurs enfants, parce que ceux-ci prennent leur femme au moins pendant un certain temps. Mais ils ne peuvent pas se permettre de l'être. Un bébé est trop fragile pour qu'on ose s'acharner sur lui. Alors des transferts se produisent. Ils sont, naturellement, lents, presque impossibles à contrôler. Lorsqu'ils affleurent ensuite sous la forme d'idées, d'entreprises, de rêves, que peut-on faire d'autre que les traiter comme tels ? M. Jamet suit son obsession sous nos yeux là où elle le mène. Elle se contentera peut-être d'être devenue le discours que nous entendons à la fin, ou peut-être elle voudra encore être réalisée plus concrètement.

Par Brice Parain
Chez Editions Gallimard

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Genre

Théâtre

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01/05/1962 152 pages 4,20 €
Scannez le code barre 9782070249039
9782070249039
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