En 2001, Catherine Millet, spécialiste internationale d'art contemporain et rédactrice en chef de la très sélecte revue Art Press, publie une autobiographie qui est comme un coup de pistolet dans un concert : La Vie Sexuelle de Catherine M. Trois millions de lecteurs dévorent ces 250 pages de sexe de groupe, écrites dans la langue de Proust. La presse est unanime : c'est un chef-d'oeuvre. Ce chef-d'oeuvre, trop aveuglant, échappe alors à une véritable analyse littéraire et philosophique. Frédérique Zahnd revient sur ce monument de la littérature libertine pour découvrir, contre toute attente, qu'il est irrigué par un certain imaginaire catholique ; un imaginaire dualiste, qui oppose le corps et l'âme. En prenant le contre-pied de la morale catholique, Millet reconduit ces présupposés dualistes, qui sont aussi ceux de la modernité. Le best-seller de Millet apparaît donc comme l'accomplissement ultime de celle-ci, une véritable apothéose moderne. Déconstruire ce chef d'oeuvre permet de nous situer au coeur de deux crises systémiques : celle du catholicisme, et celle du monde moderne en train de se défaire.
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