#Essais

Afghanistan. Gagner les coeurs et les esprits

Pierre Micheletti, Pierre Micheletti

"Justice est faite", déclarait le président Barack Obama en mai 2011, en annonçant la mort d'Oussama Ben Laden, mettant fin à dix années de bras de fer entre les autorités américaines et le leader islamiste. Une décennie durant laquelle l'épicentre de cet affrontement s'est situé sur les terres afghanes, dix ans de violence et de guerre qui auront été le quotidien d'un peuple dont les perspectives d'avenir ne se soldent pas dans la mort d'un terroriste. Après le temps des Soviétiques, puis celui des Talibans, vient la fin annoncée du temps des Américains et de leurs alliés occidentaux, celui qui devait conduire à la paix et à la démocratie, à la fin de la production de drogue, à la liberté pour les femmes, celui qui devait, enfin, réussir à "gagner les coeurs et les esprits"... Nous en sommes loin. Dans cet ouvrage écrit à plusieurs mains, des universitaires spécialistes de la question, des journalistes de terrain et des praticiens de l'action humanitaire croisent leurs points de vue sur les mécanismes qui alimentent le conflit, dressent un bilan de la décennie qui s'achève et mettent en lumière quelques chemins possibles pour imaginer d'autres scénarios que ceux de la violence répétée. Pour enfin voir fleurir un espoir sur les cendres des attentats du 11 septembre 2001 comme sur la terre endeuillée de l'Afghanistan.

Par Pierre Micheletti, Pierre Micheletti
Chez Presses Universitaires de Grenoble

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Genre

Histoire internationale

 

 

 

 

 

 

 

Préface

 

 

Azim Naim

 

Tout au long de l’histoire récente de l’Afghanistan, la route menant à la passe de Khyber a été empruntée par les armées du monde pour s’enfoncer dans les paysages arides peuplés par ces guerriers pour lesquels la mort au combat est un privilège, récompensée dans l’au-delà. La passe de Khyber, au milieu des grands replis des monts escarpés de l’Indou Kouch, sépare le peuple Pachtoune entre l’Afghanistan et le Pakistan. On nous enseignait à Kaboul dans ma jeunesse que, dans ces vallées, gisaient déjà treize mille soldats de sa majesté la reine Victoria, l’impératrice des Indes.

Le sentiment national était renforcé par les poèmes épiques chantant la bravoure de ces va-nu-pieds Pachtounes farouchement attachés à leur indépendance et à leur mode de vie. Les mêmes refrains sont aujourd’hui chantés en chœur par les talibans…

Les Pachtounes ont dominé la vie politique en Afghanistan depuis le milieu du XVIIIe siècle, jusqu’à ce que le pays ploie sous la férule soviétique. Une nouvelle fois, le sol afghan était foulé par des conquérants qui ne comprenaient rien à son âme. En décembre 1979, plus de cent mille soldats bardés d’étoiles rouges verrouillaient le pays pour le protéger d’un éventuel danger fomenté par les impérialistes américains, pakistanais et chinois. Nous nous sommes réveillés cette nuit de Noël 1979 avec un feu d’artifice à balles réelles, et l’aube rendait insupportable le visage ensanglanté de notre ville. Le sang coulait à flot et les thuriféraires du régime communiste mis en place annonçaient le début d’une ère nouvelle, promettant la prospérité pour l’éternité.

À cette opulence rêvée s’est substitué un abîme profond dans lequel s’engouffrèrent à nouveau, quelques années après, plus de cent mille soldats de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) sous l’égide des États-Unis d’Amérique, afin de pourchasser les talibans.

Ces hérauts enturbannés ont jailli des cendres de mon pays en ruine. Ils avaient en haine le souffle de la vie. Ils jugulaient les passions et muselaient la vie dans toutes les expressions qui la rendaient agréable. Le rire, le jeu, la musique et la poésie étaient bannis, et toute joie devait être extirpée de la société.

La femme afghane, honnie, exclue de l’espace public, devait se soumettre à une ère de tyrannie théocratique où les exécutions publiques devaient servir d’exemple pour extirper le vice et régénérer la vertu dans le corps social. Plusieurs d’entre elles orneront d’infâmes piloris pour inspirer et imposer la terreur jusque dans les consciences. Et pourtant, l’avènement des talibans sur la scène afghane en 1996 n’a d’abord guère suscité d’inquiétude. Tout au plus, le mouvement taliban était-il considéré par le département d’État américain comme fondamentaliste et refusant la modernité, mais capable d’œuvrer pour la stabilité du pays.

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08/09/2011 295 pages 19,30 €
Scannez le code barre 9782706116728
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