#Roman francophone

Arrêt non demandé

Arnaud Modat

Dans la maison Modat, on rit, on blague, on s'insurge, on affronte. Tout commence par la rédaction d'un enfant de huit ans. Explosif : "J'aimerais raconter mes vacances si ça ne dérange personne, où plutôt une chose qui m'est arrivée pendant les vacances et qui a failli gâcher ma belle jeunesse." La vie étant ce qu'elle est sur l'échelle du temps, résumons les épisodes : la paternité, la responsabilité, l'art d'exister et de disparaître... Tout cela : grave, et furieusement désopilant. Roman de l'enfance, Arrêt non demandé raconte comment grandir peut faire mal aux os, aux cheveux ou à l'âme. Une opération qui dure toute la vie...

Par Arnaud Modat
Chez Alma Editeur

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Genre

Littérature française

1. LA MER DANS LE VENTRE


Avant-propos

 

Parfois, à l’école, le jour de la rentrée en général, vous ouvrez vos cahiers neufs, vous écrivez la date du jour (soulignée) sur la première page et vous racontez vos vacances.

Pas dans mon école. Dans mon école, certains enfants sont si pauvres qu’ils n’ont même pas de valises pour partir à l’autre bout de la rue. Marco Santos par exemple, mon camarade portugais, habite à l’année dans une caravane. Il cherche souvent à me pousser au racisme, en traitant ma mère de pute. Je crois que c’est de l’humour de son pays, alors sans rancune. En tout cas, à cause de tous ces enfants du tiers monde qui sont inscrits chez nous, les rédactions où vous devez raconter vos vacances sont interdites par décret. Je trouve ça injuste car on passe parfois de meilleures vacances dans une caravane, même sans pneus, plutôt que sur la Côte d’Azur, si on se fait attaquer par un nuage de frelons (ou si quelqu’un de votre famille meurt noyé). Ça dépend. Donc, j’aimerais raconter mes vacances si ça dérange personne, ou plutôt, une chose qui m’est arrivée pendant les vacances, et qui a failli gâcher ma belle jeunesse. Encore heureux que c’est pas pour l’école car c’est une histoire très vulgaire, dans laquelle je serai obligé d’utiliser des mots comme Ricard, kyste, chimiothérapie, gueule (au moins huit fois) et même connasse furieuse. En plus, c’est triste. À l’école, tu ne peux pas raconter de choses tristes. Ou alors tu fais des poèmes, à la rigueur. Mais ils ne sont pas tristes triste. Ils sont plutôt tristes naze.

 

Juillet 1989

(J’ai complètement oublié le jour. Matthieu dit que c’est à cause du traumatisme.

Je lui ai demandé ce qu’il voulait dire par là, traumatisme, mais je me suis cassé la gueule de mon vélo, au même moment, et il a fallu me faire des points.

C’est la deuxième fois que j’ai l’honneur des points.

Huit, en tout.)

 

Ce devoir d’expression écrite est dédié à «  la reine noire ».

 

 

CHAPITRE UN.


Papa conduisait notre voiture, une Fiat Tipo, je sais pas si vous connaissez, c’est une marque italienne assez prestigieuse dans le milieu de la bagnole de sport. On roulait à cent, cent vingt, facile. J’avais entendu parler d’une ceinture de sécurité quelque part, à l’arrière, mais impossible de mettre la main dessus. Si on fonce sur un arbre, j’ai prévu de me mettre en boule et d’invoquer la princesse Athéna, sainte patronne des chevaliers du Zodiaque (je suis Sagittaire). Ma mère est assise à la place du mort, alors qu’elle va bien, merci. Elle est même enceinte, tellement elle va bien, merci. Elle ne porte pas sa ceinture de sécurité non plus, pour éviter d’étouffer ma petite sœur, qui ne devrait plus tarder, par voie basse, a dit le médecin qui s’occupe uniquement de ce genre de problèmes. Papa conduit comme si demain n’existait pas et il double dans les ronds-points, pris de colère ancestrale. Il passe les vitesses sans arrêt. Il a des problèmes dans ses rapports. Papa pilote comme un chien enragé parce qu’on doit se pointer sans faute à un apéro. Ce qui le turlupine un maximum, si vous voulez savoir, c’est que sa sœur (Sylvie), ma marraine, une authentique folle furieuse, bref, elle est invitée aussi. Avec son mari, Marc (assez gratiné également le mec). Papa annonce la couleur en dépassant une bétaillère par la droite : « Si je la voyais en train de crever au bord de la route, la gueule ouverte, je jure sur la tête de Sébastien que je ne m’arrêterais pas. »

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05/01/2017 143 pages 17,00 €
Scannez le code barre 9782362792113
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