Préface
par Jean-Didier Vincent
Voici un livre franchement gouleyant ; il a du goût et du parti pris, « le parti pris des choses » à la Francis Ponge ; c’est-à-dire contre le magma du pérorage dégustateur avec son fatras de mots qui se veulent poétiques. Tout au contraire, voici un livre bien écrit, clair et reposant sur des bases scientifiques sûres qui n’enlèvent rien à son caractère digeste comme se doit de l’être un bon vin, ou encore, un livre-passion sur la santé par le vin, un livre, enfin, qui enflammera la mémoire des amants de la vigne et de son divin nectar.
Je me souviens d’un ami à l’agonie pour un méchant cancer (celui du pancréas qui ne pardonne pas), je lui apportais mon meilleur flacon, un Latour 1961, non sans m’être muni de verres à dégustation, afin d’éviter les infâmes gobelets d’hôpital. Le buste redressé sur une pile d’oreillers, il tint le verre d’une main ferme, le manipulant selon les règles ; les deux ou trois goulées qui suivirent firent naître sur son visage décharné un merveilleux sourire que je n’oublierai jamais : un pur moment de parfaite santé. Il est mort le soir même ; son fils m’avouât qu’il avait fini la bouteille.
L’ouvrage de Laure Gasparotto (quel beau nom pétrarquiste !) est une quête que je qualifierais de mystique si je ne craignais de tomber dans l’emphase (une faiblesse fréquente chez les buveurs de vin). Faisant fi de la bimbeloterie wagnerienne, je ne peux manquer de souligner la parenté symbolique du vin et du Graal, la coupe de la Cène qui aurait servi à Joseph d’Arimathie pour recueillir le sang du Christ, un breuvage sacré qui soigne et guérit la souffrance du roi. Le vin, écrit Laure Gasparotto, est tel le graal, « une mémoire […]. Plus encore qu’une somme de temporalités : depuis le temps géologique (qui a formé le sol sur lequel il s’enfonce) au temps humain (qui travaille la vigne au quotidien) passant par le temps historique créateur des us et coutumes, des traditions viticoles ». Le vin fut loué de tous les temps parce que, comme le breuvage sacré du mythe, il est un élixir qui soigne et répare les misères infligées au pauvre corps humain. « Il faut sauver le vin parce que c’est lui qui fonde notre humanité et notre civilisation. » Tel est le projet de l’auteur dans lequel nous est proposé de saisir l’essence du vin dans sa réalité aussi bien physique que spirituelle, même si les objectifs et méthodes peuvent sembler terriblement matériels : « boire sans grossir, sans excès et sans nuire à votre santé ». Quel programme !
Le livre comporte deux parties. La première (chapitres 1 à 4) raconte le cheminement initiatique de l’auteure à travers des rencontres avec des maîtres dont la sagesse se mesure à la qualité de leur engagement dans la recherche d’une vérité qui est la leur et porte sur une propriété commune à tout être vivant : extraire de l’énergie du monde, terre ou soleil et s’en servir aux fins de sa propre construction – ce que l’on désigne sous le terme savant de métabolisme. Au terme de ce parcours, une évidence : le vin est un aliment. La seconde partie est un vade-mecum permettant au buveur de vin de choisir celui-ci sur ses qualités nutritionnelles qui passent par ses qualités sensorielles.
Extraits
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