Limiers 1900
Il n’y a de mystère en aucun crime,si les investigations sont intelligentes.
Le Vieil Homme dans le coin
Dans Premières Enquêtes, Francis Lacassin intitulait la dernière partie de sa préface « une histoire à réécrire » : « Le roman policier atteint l’âge où il a déjà une histoire. Au contraire d’autres genres, il faut le mettre à jour en permanence. Non en aval : la communication moderne répercute aussitôt toute innovation. En amont. » C’est bien ce que le présent volume s’est donné, pour partie, comme ambition. En effet, si la genèse du genre et l’œuvre de ses précurseurs ou de ses premiers praticiens ont été analysées avec pertinence et érudition dans Le« Detectivenovel » et l’influence de la pensée scientifique, la remarquable thèse de Régis Messac, son étude s’arrête au seuil d’une période cruciale qu’on pourrait appeler la période de cristallisation du genre : celle où les textes qui le constituent commencent à former un corpus dense et irréfutable, celle où il trouve un public abondant et enthousiaste (la réaction des lecteurs du StrandMagazine à l’assassinat de Sherlock Holmes par Arthur Conan Doyle dans « Le dernier problème » en témoigne !).
C’est cette période de cristallisation que ce volume entend Explorer en rassemblant des œuvres emblématiques. Et tout d’abord en rendant compte de la manière dont le genre policier a fait la conquête du public au tournant du XIXe siècle, sous quelle forme et par quel processus éditorial. Ce fut, prioritairement sous la forme de nouvelles, de shortstoriespubliées dans les magazines. À cet égard, l’exemple d’Arthur Conan Doyle est particulièrement éloquent. Il a mis en scène Sherlock Holmes d’abord dans deux romans, Une étude en rouge (A Study In Scarlet, 1887) et Le Signe des quatre (The Sign of Four, 1890), qui n’eurent qu’un faible retentissement en Grande-Bretagne. Mais la parution, à partir de juillet 1891 dans The Strand Magazine, un magazine nouvellement créé, de six enquêtes de Sherlock Holmes sous la forme de nouvelles rendit aussitôt le personnage célèbre, assura la consécration de son auteur et participa assez largement du succès obtenu par le Strand – célébrité et succès confortés rapidement par la publication d’autres nouvelles dans le même magazine et leur parution ensuite sous la forme de recueils chez George Newnes, l’éditeur du Strand.
The Strand offrait à ses lecteurs des sommaires d’une grande variété mêlant fictions de genres divers, articles illustrés, jeux, dessins d’humour, entretiens avec les puissants et les vedettes ou encore reproductions d’œuvres d’art sur le modèle d’autres magazines qui connaissaient alors en Grande-Bretagne une immense vogue : le London Magazine, édité par Alexandre Harmsworth, le Royal Magazine et le Pearson’s Weekly, édités par Arthur Pearson, le Windsor Magazine, édité par Ernest Lock, le Pall Mall Magazine, édité par W.W. Astor, etc.
Extraits
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