1. Date limite
Juillet 2007
L’établissement scolaire public d’Honeywill aurait pu être comparé à une décharge publique, mais c’était le dernier jour de l’année, et tout le monde affichait un sourire radieux. Des professeurs que rien n’était parvenu à dérider depuis le mois de septembre avaient autorisé les élèves à jouer à la Nintendo DS sur la pelouse ensoleillée. Le directeur lui-même portait des lunettes noires et un short de tennis. Les souffre-douleur encaissaient les sévices de bonne grâce, car ils savaient que dès que la cloche aurait sonné, ils échapperaient à leurs bourreaux pendant six longues semaines.
Les dessins, exposés et posters avaient été retirés des murs de la classe de Greg, située au deuxième étage du bâtiment. Ce dernier était penché à l’une des fenêtres, cravate autour du front et chemise déboutonnée. Dans la cour, garçons et filles profitaient de la pause de midi. Les uns tapaient dans un ballon. Les autres bavardaient avec animation. Une file d’attente s’était formée devant la fontaine. C’était la journée la plus chaude de l’année.
— Tiens, respire-moi ça, dit Zhang en brandissant une barquette en plastique translucide sous le nez de son camarade.
La puanteur était difficilement soutenable. Greg recula vivement, mit le pied dans une corbeille à papier et faillit s’affaler sur le lino.
— C’est immonde, pas vrai ? sourit son camarade sans cesser d’agiter le récipient.
— Dégage ! hurla Greg, saisi d’un haut-le-cœur. C’est le déjeuner que t’a préparé ta mère ?
Zhang replaça le couvercle.
— Non. Je viens de retrouver cette boîte dans mon casier. Elle vient de la cantine. Ce coleslawest périmé depuis le quatorze novembre, à en croire l’étiquette.
Le troisième garçon qui se trouvait dans la salle, un grand échalas nommé George, éclata de rire.
— Ferme-la, coton-tige, gronda Greg, ou je te plonge la tête dedans.
Il baissa les yeux et considéra avec amusement l’amas d’objets répugnants que Zhang avait exhumé de son casier et jetés pêle-mêle sur le sol : des manuels maculés de boue au contact de ses chaussures de football, des papiers gras, des Kleenex usagés et une bouteille de Tipp-Ex qui avait fui sur ses cahiers, formant une épaisse couche blanchâtre.
— Tu es un porc, ricana-t-il. Je n’aurais jamais imaginé que ce placard pouvait contenir autant d’ordures.
Zhang traîna sa lourde silhouette vers ses camarades.
— Greg, si ton casier est nickel, c’est parce que tu n’es inscrit dans ce bahut que depuis deux mois.
George secoua la tête.
— Non, Zhang. C’est beaucoup plus simple que ça. Ton casier est à vomir, pour la bonne raison que tu es un gros dégueulasse.
Zhang, qui ne supportait pas qu’on évoque son embonpoint, bouscula son interlocuteur.
— Tu veux que je t’en mette une ?
En dépit de l’amitié qui les liait depuis la maternelle, Zhang n’hésitait jamais à s’en prendre physiquement à George pour lui faire ravaler ses railleries.
Extraits
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