#Roman étranger

Cinq jours [EDITION EN GROS CARACTERES

Douglas Kennedy

Dans le Maine, de nos jours. A 42 ans, Laura sent qu'elle est à un tournant de sa vie, professionnelle mais surtout personnelle. Peu de réconfort chez elle, entre son mari sans emploi, son fils artiste dépressif et sa fille partant pour l'université. Richard, lui est en pleine confusion, une femme de plus en plus distante, frustré professionnellement, et un fils instable. Il ne rêve que de s'échapper. Quand cette conférence à Boston se dessine, ces deux esseulés vont vivre une folle passion, un aperçu du bonheur, un avant-goût de liberté.

Par Douglas Kennedy
Chez Les Editions Retrouvées

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Littérature anglo-saxonne

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JE L’AI VU TOUT DE SUITE. LE CANCER. C’était là, sous mes yeux. J’ai retenu instantanément ma respiration, comme chaque fois que mon cerveau enregistre le constat suivant : ce que j’ai devant moi, c’est le début de la fin.

La formation cancéreuse faisait penser à un pissenlit. Il arrive que ce genre de tumeur ait la forme d’une décoration de Noël bon marché, une étoile mal dessinée. Celle-là était plus comme une fleur banale qui aurait été dépouillée de ses pétales mais gardait une apparence têtue, hérissée d’aiguilles. Ce que les radiologues appellent une « masse spiculée ».

Spicule. La première fois que j’ai entendu le mot, j’ai dû consulter un dictionnaire. Le terme avait une origine zoologique, un spicule étant « un épillet, réunion de deux ou d’un plus grand nombre de fleurs, et plus généralement toute structure ayant la forme d’un épi, d’une pointe d’aiguille, ainsi que les bâtonnets siliceux ou calcaires qui constituent tout ou partie du squelette de certains invertébrés, par exemple les éponges ». Soit dit en passant, j’ignorais jusqu’alors que les éponges avaient un squelette. Et il existait une définition astronomique, également : un jet de matière dans la chromosphère solaire.

Si cette dernière image m’a tracassée des semaines durant, c’est qu’elle me paraissait terriblement adéquate : un cancer spiculé tel que celui que j’avais sous les yeux avait commencé son existence peut-être des dizaines d’années plus tôt, mais sa présence se manifestait seulement depuis qu’il était devenu quelque chose de semblable à une flamme jaillissante qui impose son dangereux éclat et qui, si elle n’est pas repérée et contenue à temps, ne se contentera plus d’être une simple fulgurance, mais se transformera en une infime supernova jusqu’à ce que, en un ultime déploiement de puissance pyrotechnique, elle consume et détruise l’univers qui la contenait.

De toute évidence, l’espèce spiculée que j’observais en cet instant était au bord de l’explosion, laquelle ôterait la vie à la personne dont elle avait envahi le poumon de manière aussi insidieuse que radicale. Une horreur de plus dans le catalogue sans fin des moments pénibles qui constituent le principal décor de ma vie entre neuf heures du matin et cinq heures du soir. À cet égard, la journée dont il est question ici battait tous les records : une heure avant que le cancer spiculé n’apparaisse sur mon écran, j’avais eu à réaliser une scanographie sur une fillette de neuf ans, Jessica Ward. Son dossier indiquait des migraines à répétition très douloureuses, et son médecin traitant nous l’avait envoyée dans le but d’écarter des « préoccupations de type neurologique », un euphémisme pour l’« éventualité d’une tumeur cérébrale ». Son père, Chuck, la trentaine fatiguée, des yeux de chien battu et des dents jaunies qui révélaient une addiction sévère au tabac, avait glissé qu’il était soudeur aux chantiers navals de Bath.

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trad. Bernard Cohen
18/01/2023 494 pages 14,50 €
Scannez le code barre 9782365593052
9782365593052
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