#Roman francophone

Contrée suivi de Calixto

Robert Desnos

Quand il écrit les poèmes de Contrée, en 1942-1943, Robert Desnos tente "d'arriver à une "poétique fine" comme les mathématiciens sont arrivés à des "calculs fins" indispensables en relativité ou en mécanique ondulatoire". Le modèle mathématique le retient d'ailleurs par son exigence du détail exact. En somme, le poème dans sa clôture peut devenir une mécanique de précision dont les pièces sont ajustées minutieusement pour assurer le fonctionnement de l'ensemble. Le flux verbal que tentait de saisir dans sa continuité l'écriture automatique a fait place à l'assemblage de groupes de vers en attente de trouver leur juste contexte. La forme poétique - sonnet, ballade, ode - est l'horizon d'attente où des fragments surgis indépendamment viennent s'assembler - et révéler leur intime proximité. Quant à Calixto, achevé en septembre 1943, il partage avec Contrée le recours aux formes closes du sonnet et, avec Le Bain avec Andromède, la volonté de donner au recueil une structure d'ensemble qui fasse sens. Toutefois la mise en ouvre d'une architecture allégorique est appuyée dans Le Bain avec Andromède : Calixto procède de façon plus nuancée, renonçant à toute coupure entre ses différents moments pour privilégier le flux général sur l'autonomie des parties qui ne sont annoncées par aucun titre. D'où, à la lecture du recueil, le sentiment d'un tressage des textes plus que d'une succession nettement ponctuée. Mais qu'évoque en fait ce titre de Calixto ? Vocable reflet, né du baiser de multiples sources, synonyme de liberté, d'amour et de poésie, image de tout lecteur qui vient s'y mirer, image de Desnos lui-même. "Nymphe prétexte", elle rassemble en son cri la clameur de tous : "Tu, vous, les autres, nous, clames, clamez, clamons..." ; elle est "l'étoile de la terre", accordée au "couple parfait" des "enfants de la terre". "Passante" en perpétuelle métamorphose, elle traverse le poème sans jamais s'y fixer, car, comme le dit très exactement Desnos : "Ton être se dissout dans sa propre légende".

Par Robert Desnos
Chez Editions Gallimard

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Genre

Poésie



 

 

 

« OURSE QU’IMPORTE LA FABLE1 »

 

 

Lorsque Contrée est publié par les éditions Robert-J. Godet en mai 1944, Robert Desnos est déjà déporté en Allemagne. Il ne verra donc pas le recueil de ces vingt-cinq poèmes, qu’illustre une eau-forte2 de Picasso, représentant un chevalier en armes appuyé sur des livres — symbole du poète résistant — et qui est dédié à sa compagne inlassablement aimée Youki. Pas plus qu’il ne verra publiés la même année Le Bain avec Andromède, aux éditions de Flore, et Trente chantefables pour les enfants sages aux éditions Gründ. Quant à Calixto, suite poétique aux formes mêlées, achevée en septembre 1943, le recueil n’avait pas encore trouvé d’éditeur à l’arrestation du poète, le 22 février 19443.

Au camp de Flöha où il est déporté, Desnos reste préoccupé par le sort de ses œuvres en cours de publication : « Que deviennent mes livres à l’impression ? », demande-t-il à Youki dans sa lettre du 15 juillet 19444. Et c’est à la poésie qu’il se fie pour survivre aux épreuves de l’internement : « Pour le reste je trouve un abri dans la poésie. Elle est réellement le cheval qui court au-dessus des montagnes dont Rrose Sélavy parle dans un de ses poèmes et qui pour moi se justifie mot pour mot5. » Ainsi Rrose Sélavy accomplit-elle dans la réalité sordide les promesses de liberté proférées dans la jubilation verbale en 19226. Indéfectiblement poète, donc libre, tel s’affirme Desnos tout au long de sa vie. De cette revendication, Contrée et Calixto apportent à leur manière un témoignage.

 

 

 

 

« Je vais à tâtons »

 

Dans une lettre à Paul Éluard datée du 8 octobre 1942, Desnos évoque le séjour qu’il vient de faire en septembre en Normandie7 : « Me voici de retour à Paris après une belle campagne normande, où les champignons en ont vu de cruelles. Mais je ne me suis pas borné à chasser le cèpe et les girolles, j’ai continué Contrée […]. C’est pour moi une curieuse expérience. Je vais à tâtons mais les images, les mots, les rimes s’imposent comme les détails d’une clé pour ouvrir une serrure8. » Desnos semble dire qu’il est en face d’une énigme poétique qu’il tente de résoudre. Cette recherche inscrit ses premiers résultats à la fin d’État de veille, qui paraît en avril 1943. Ce recueil, publié chez Robert-J. Godet, joue le rôle de charnière entre une ultime référence à l’avant-guerre — réécriture de « poèmes forcés » de 1936, création de « couplets » destinés à être mis en musique, selon la pratique radiophonique des années trente —, et la mise en œuvre d’une poétique assumant des contraintes nouvelles : « Quelques poèmes, en apparence plus classiques, est-il précisé dans la postface, terminent ce recueil. Ils font partie d’une expérience en cours dont il m’est impossible de prévoir l’évolution et dont je ne saurais parler clairement9. » Quatre poèmes aux formes régulières, dont deux sonnets, terminent État de veille, donnant les premiers exemples des formes classiques qui s’imposent dans Contrée.

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03/10/2013 135 pages 7,60 €
Scannez le code barre 9782070139538
9782070139538
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