#Polar

Cripple Creek

James Sallis

Turner porte un lourd passé sur ses épaules. Ancien flic à Memphis, il a passé onze années en prison après avoir tué son partenaire durant une mission. Reconverti en psychothérapeute à sa sortie, Turner s'est finalement retiré à Oxford, une petite ville du Mississippi où les circonstances - plus qu'une réelle volonté - ont fait de lui un adjoint du shérif local. Un soir, Turner et ses hommes arrêtent un chauffard qui traverse Oxford à tombeau ouvert au volant d'une Ford Mustang. L'homme transpire le Jack Daniel's et transporte un sac contenant 200000 dollars. Au petit matin, alors que le soiffard cuve à l'ombre, une fusillade éclate : deux types viennent " extraire " le prisonnier de sa cellule et blessent grièvement un adjoint et la secrétaire du commissariat. Quand Turner apprend que l'évadé est connu des services de police et qu'il travaille pour un caïd de Memphis, il décide de partir à sa poursuite. En roulant vers cette ville qu'il a fuie, Turner ne se doute pas qu'il va libérer les fantômes de son passé et que la vague de violence ne fait que se lever...

Par James Sallis
Chez Editions Gallimard

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Genre

Policiers

Chapitre 1

 

 

 

J’étais monté à Marvell, livrer un prisonnier. Rien d’extraordinaire : un type que j’avais arrêté pour conduite dangereuse et dont le permis, lorsque je le communiquai au fichier, me revint avec une ribambelle de condamnations de par là-haut, et comme j’avais à la fois le goût de la solitude et une préférence pour la conduite de nuit, et pas grand-chose sur le feu à la maison, j’avais pris mon temps pour rentrer. À présent, j’étais affamé. Tout le long de la County Road 51, je pensais au porc salé que ma mère faisait frire pour le dîner, à l’écureuil et sa sauce marron, au poisson-chat roulé dans des galettes de blé. Alors que je tournais dans Cherry Street, passant en revue le Jay’s Diner, le drugstore et le bazar Manny-Tout-Pour-Rien, le supermarché A & P, l’église baptiste et la station Gulf, un vieux blues me revint en tête. Le type chante qu’il a faim, qu’il n’arrive pas à penser à autre chose qu’à manger : J’entendis la voix d’une côte de porc qui disait : viens à moi et trouve la paix.

La côte de porc, ou son avatar, me murmurait à l’oreille lorsque je me rangeai devant l’hôtel de ville. Le pick-up de Don Lee et la jeep étaient là. Notre moitié du bâtiment était éclairée. La seule source de lumière sur Main Street, si ce n’était les ampoules à basse tension des magasins exigées par les assurances. En fait, je ne m’attendais pas à trouver le bureau ouvert. Souvent la nuit, si l’un de nous n’y est pas ou si nous sommes tous les deux sur une affaire, nous le laissons sans surveillance. Les appels sont renvoyés sur nos numéros personnels.

À l’intérieur, Don Lee était assis au bureau, baigné de son habituelle flaque de lumière.

« Tout va bien ? demandai-je.

— C’est calme. Vers vingt-trois heures, j’ai dû interrompre la soirée arrosée des mômes du lycée.

— Comment se sont-ils procuré la bière ? Par Jimmy Ray ? 

— Qui d’autre ? »

Jimmy Ray était un type simplet qui vivait dans un garage derrière chez la vieille Miss Shaughnessy. Les gosses savaient qu’il achèterait de la bière pour eux s’ils lui donnaient un ou deux dollars. Nous avions demandé aux magasins locaux de ne pas lui en vendre. Parfois cela fonctionnait, parfois non.

« Tu as eu mon message ? 

— Ouais, June me l’a transmis. Tu as fait bon voyage ? 

— Oui. Je pensais pas te trouver ici.

— Moi non plus, mais nous avons un invité. » Ce qui signifiait que l’une de nos deux cellules était occupée. C’était suffisamment rare pour me surprendre.

« C’est vraiment pas grand-chose. Vers minuit, après avoir calmé les mômes, j’ai fait un rapide tour en ville, et j’étais sur le point de rentrer à la maison quand une Mustang rouge est passée devant moi à pleine blinde. Devait être à plus de quatre-vingts. Alors je fais demi-tour. Il a le plafonnier allumé et il tient le volant d’une main, la carte dans l’autre. Il regarde un coup la carte, un coup la route.

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trad. Stéphanie Estournet, Sean Seago
04/10/2007 205 pages 17,25 €
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