Editeur
Genre
Littérature française
Pour Anatole, Léonard et Sarah.
Édouard Philippe
Pour Lucie et Manon.
Gilles Boyer
« Au plus fort la pouque ! »
Dicton cauchois
« La politique est presque aussi excitante que la guerre, et tout aussi dangereuse. À la guerre, on ne peut mourir qu'une fois. En politique, plusieurs fois. »
Winston Churchill
« Même les paranoïaques peuvent avoir des ennemis. »
Pierre Ponte
Prologue
Dimanche 9 mai, Matinée
Je suis un apparatchik.
Je l’ai toujours été. Je ne me suis jamais pris pour un homme politique. Je connais beaucoup de mes pairs qui ont souhaité passer la barrière. Certains ont plutôt bien réussi. Ils ne sont pas nombreux et je ne les aime pas. Dans mon monde, on trouve beaucoup de gens qui sont là pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec leur talent politique : des femmes parce qu’il en faut, des veules parce qu’il y en a, des flatteurs parce qu’ils ne représentent rien, et que rien, en politique, c’est souvent moins dangereux que quelque chose. Tous ceux-là, je fais avec. Mais ceux que je ne peux pas supporter, ce sont les apparatchiks qui se prennent pour des politiques.
Dans mon monde, les politiques et les apparatchiks vivent ensemble. Ni les uns ni les autres ne peuvent survivre seuls. Tous ceux qui se trompent sur la partie du monde à laquelle ils appartiennent sont des désastres vivants.
L’apparatchik, c’est un guerrier qui sert un maître, un professionnel qui connaît son milieu, qui utilise ses armes, qui pare les coups qu’on veut porter à son patron. C’est un mécanicien, un organisateur, un inspirateur, un souffleur. C’est le bras, l’oreille et, parfois, le cerveau du politique.
Un politique, c’est autre chose. C’est une capacité à incarner, une volonté de projection vers les autres, une empathie animale, une énergie constante. C’est une aptitude à sentir et à toucher les gens, à leur faire comprendre que l’on est à la fois comme eux et différent, capable de les comprendre et pourtant au-dessus d’eux. Un politique ne vit que lorsqu’il est regardé, lorsqu’il est écouté, et lorsqu’il doit convaincre : que sa position est la bonne, que ses idées sont les plus justes, qu’il est le meilleur, ou le plus fort, ou le plus drôle, et qu’il fait la différence. Je n’en connais pas qui se pense inutile. Ou qui conçoive que quelqu’un d’autre ferait mieux. Aussi bien, c’est peu envisageable. Mieux, c’est impossible.
À part être élu, j’ai tout fait. J’ai organisé des déplacements et des meetings, écrit ou corrigé des centaines de discours, participé à des milliers de réunions, passé mon temps à courir la province à la rencontre de Barons installés ou de jeunes coqs impatients de les déloger. J’ai arrangé des coups pour des types que je méprisais et j’ai exécuté d’autres que j’estimais. L’inverse aussi, c’est vrai.
Je connais les joies intenses que procure ce milieu. Les montées d’adrénaline, les rares amitiés fidèles, l’esprit de camaraderie qui se noue entre des gens qui veulent la même chose. Je connais le bonheur des discussions interminables où l’on refait le monde et le sentiment enivrant qui porte tous ceux qui croient décider d’un programme. Je mesure parfaitement l’intérêt que peut présenter la vie aux côtés des puissants, et plus encore lorsqu’on est celui qui leur permet de le devenir ou de le rester.
Extraits
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