#Polar

De bons voisins

Ryan David Jahn

New York, années soixante. A la fin d’une froide nuit de mars, la jeune Katrina Marino rentre chez elle après avoir fermé le bar où elle travaille. Garant sa voiture sur le parking en face de sa résidence, elle traverse la rue et s’approche de la porte de son appartement au rez-de-chaussée… quand un homme surgit de l’ombre et la poignarde. L’homme s’enfuit, mais il reviendra une heure plus tard, pour la violer et l’achever de plusieurs coups de couteaux. Mais que s’est-il passé pendant les soixante minutes où Kat est restée seule à agoniser dans la cour de sa résidence ? Malgré l’heure tardive, de nombreux témoins se sont penchés depuis leur fenêtre et ont vu la jeune femme et son agresseur. Pourquoi personne n’a appelé la police ? Quelles pensées occupaient ces hommes et ces femmes pour qu’aucun d’entre eux ne porte secours à leur voisine ? C’est à cette question que tente de répondre le roman de Ryan David Jahn, inspiré d’un fait divers réel, le meurtre de Kitty Genovese dans le Queens, en 1964, qui a lui-même servi de base au développement de la théorie du “bystander effect” en criminologie, en faisant alterner les témoins et le récit de leur nuit : Frank, un mécanicien, part à la recherche de la poussette que sa femme Erin croit avoir renversée plus tôt dans la soirée. Fausse alerte, il n’y avait qu’une poupée dans le landau… mais entre-temps Frank a croisé la route d’Alan, un flic corrompu qui compte profiter du fait que Frank soit noir pour lui faire porter la responsabilité d’un crime violent qu’il vient de commettre. Le jeune Patrick n’arrive pas à dormir, car au lever du jour il doit se présenter à un examen médical des forces armées. S’il est sélectionné, il partira se battre au Vietnam, abandonnant sa mère malade sur laquelle il veille depuis que son père les a quittés. Diane et Larry se déchirent pour la dernière fois. Leur amour a fait long feu, et au cours de la nuit Larry finit par avouer qu’il a une maîtresse. Diane décide de faire ses valises. Thomas a sorti le revolver de son grand-père et il s’apprête à se suicider… c’est alors qu’on frappe à sa porte : Christopher, un partenaire de bowling, aide Thomas à vaincre son isolement et à accepter son homosexualité. Peter, cadre médiocre, cherche à pimenter sa vie en se lançant dans l’échangisme. Il a convaincu sa femme Anne de tenter l’expérience avec un collègue de bureau et son épouse, mais l’aventure tourne à l’humiliation pour Peter, qui risque même de perdre Anne. Enfin, cette nuit-là, le hasard va mettre David, un jeune infirmier, en position de sauver la vie de Nathan Vacanti, l’enseignant qui a jadis abusé sexuellement de lui. Pour faire ce que le devoir exige, David devra surmonter son désir de vengeance….

Par Ryan David Jahn
Chez Actes Sud Editions

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Genre

Policiers

Ça commence sur un parking.

Le parking se trouve à l’arrière d’un bar sportif, un bâtiment en brique qui a accumulé les bles- sures et les cicatrices au cours de sa longue his- toire. Il s’est fait percuter par des conducteurs en état d’ébriété qui ont passé la marche arrière au lieu de la marche avant, s’est fait taillader par des gens qui ont gravé leurs initiales sur les murs, et prendre d’assaut par des vandales ivres. Un soir, il y a quinze ans, quelqu’un a tenté d’y mettre le feu. Malheureusement pour le pyromane en puissance, la météo avait prévu de la pluie. De sorte que le bar est toujours là.

Il est presque quatre heures du matin – trois heu- res cinquante-huit –, un moment d’obscurité parfaite où aucun soupçon de lumière ne pointe encore à l’est. Il fait nuit noire.

Le bar est fermé et silencieux.

Seules trois voitures sont garées sur son parking habituellement bondé : une Studebaker de 1957, une Oldsmobile de 1953 et une Ford Galaxie de 1962 à l’aile cabossée. Deux d’entre elles appartiennent à des clients : l’un est un vendeur à domicile qui con- sacre ses journées à essayer de fourguer des aspira- teurs ; l’autre, un chômeur qui passe les siennes à contempler les fissures du plafond de l’appartement dont il n’a pas payé le loyer depuis trois mois. Tous deux ont bu quelques coups de trop plus tôt dans la soirée et ont trouvé un autre moyen de rentrer chez eux – le taxi, sans doute. C’est sûrement le cas du chômeur. Le vendeur s’est peut-être fait raccom- pagner par un camarade, mais le chômeur, lui, a presque certainement pris un taxi. Quand il vous reste trente dollars et que le montant du loyer c’est quatre-vingts, inutile d’économiser. Buvez jusqu’à l’ivresse et payez-vous un taxi pour rentrer. Si l’on doit toucher le fond, autant prendre plaisir à la chute. C’est quand il vous reste quatre-vingt-sept dollars et que le loyer s’élève à quatre-vingts qu’il faut se res- treindre.

Des gobelets en carton et d’autres déchets – jour- naux, emballages alimentaires – jonchent l’asphalte décoloré par le soleil. Un bref instant, une brise que l’on entend gémir chasse tous ces détritus en travers du macadam fendillé, réorganisant légèrement leur position avant de s’évanouir.

Et c’est alors qu’une jolie fille – une femme, à vrai dire, bien qu’elle ne se sente pas adulte – sort du bar, poussant la porte.

Elle se nomme Katrina – Katrina Marino –, mais presque tout le monde l’appelle Kat. Les seules per- sonnes qui l’appellent encore Katrina sont ses parents, à qui elle parle chaque samedi au téléphone. Ils vivent à près de six cent cinquante kilomètres, mais ça ne les empêche pas de lui taper sur les nerfs, oh non ! Quand vas-tu enfin te montrer raisonnable et quitter cette ville, Katrina ? C’est un dangereux cloaque. Quand vas-tu te trouver un jeune homme bien avec qui te mettre en couple, Katrina ? Une fille de ton âge ne devrait pas être célibataire. Tu es plus près de la trentaine que de tes vingt ans, tu sais. Bientôt, tu n’auras plus cette beauté encore fraîche qui permet de décrocher un homme bien, un docteur ou un avocat, et il faudra que tu te contentes de moins. Tu ne voudrais pas te résoudre à ça, n’est- ce pas, Katrina ?

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trad. Simon Baril
04/01/2012 272 pages 21,30 €
Scannez le code barre 9782330002299
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