INTRODUCTION
DE GAULLE ET HO CHI MINH : UN DUEL LENTEMENT PACIFIÉ
« Si vous pouviez vous entretenir pendant une heure avec un personnage célèbre de l’histoire de France, lequel choisiriez-vous ? » Depuis le début des années 1980, de Gaulle remporte en moyenne plus du quart des réponses des sondés à cette question, plus que Napoléon ou Louis XIV3 ! Lors d’une émission diffusée en direct du Sénat sur France 2, le 4 avril 2005, il fut désigné par un large panel de téléspectateurs « plus grand Français de tous les temps », loin devant des personnalités aussi dissemblables que Louis Pasteur, l’abbé Pierre, Marie Curie, Coluche, Victor Hugo, Bourvil ou encore Molière… Pour bien des Français, le général de Gaulle incarne aujourd’hui un mélange de droiture, de simplicité, de rigueur, d’exigence, d’ambition et de vision, qui le hisse au sommet du panthéon des personnages historiques préférés des Français, toutes catégories confondues. Particulièrement malléable à l’épreuve du temps, le mythe gaullien, quarante ans après la mort de son créateur, se porte mieux que jamais. Pour les élites politiques, il continue d’être une référence incontournable. Est-il besoin de rappeler les débats qui les ont agitées avant la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, le 4 avril 2009 ? Les opposants à ce retour ont crié à la trahison ; ses partisans ont relativisé la rupture, jusqu’à la nier. La statue du commandeur paraît indéboulonnable. C’est un fait, la France du début des années 2000 vit encore largement sur l’héritage, que d’aucuns jugent quelque peu fossilisé, de sa politique étrangère. La postérité gaullienne en tous domaines étant telle, les procès en gaullisme sont inéluctables.
Le passé colonial continue, lui aussi, de véhiculer des mythes auxquels les Français ne sont pas insensibles. Sans nourrir les mêmes passions ravageuses que l’Algérie, le Vietnam suscite dans l’imaginaire collectif souvent plus de réflexes idéologiques ou de réactions sentimentales qu’un authentique désir de compréhension4. Sans doute la mémoire des liens supposés indélébiles que la colonisation a tissés dans la guerre comme dans la paix, traces persistantes d’une « idéologie de la possession » véhiculée de longue date dans la littérature française sur l’Indochine5, nourrit-elle encore en partie cette attractivité limitée mais tenace. Les débats récurrents sur le rôle de la colonisation se sont soudainement cristallisés sur la loi du 24 février 2005, dont l’article 4, enjoignant les programmes scolaires de reconnaître « en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », a fini par être retiré après un véritable tollé politico-médiatique et à la demande expresse du président de la République. Ils ont attesté, s’il était besoin, que la mémoire de la colonisation n’était pas encore pacifiée, faute d’une acceptation et d’une reconnaissance équitables et réciproques de toutes les souffrances, sans exception6.
Extraits
Commenter ce livre