#Essais

De la genèse des classes et de leur avenir politique

Andrea Cavalletti

Dans ce livre, Andrea Cavalletti, un des philosophes italiens les plus doués de sa génération, se propose de répondre à la question suivante : quel est le sujet de la politique ? Autrement dit, qu'est-ce qui fait une classe (et c'est moins affaire de nombre que de constitution et d'intention) et que peut faire une classe (à la politique et à la ville) ? A partir de l'analyse lumineuse d'un texte de Walter Benjamin dont Theodor Adorno a souligné l'importance, Cavalletti montre ce qui distingue la classe de la foule et de la masse entendues comme déterminations compactes et biologiques et qui lui permet de se constituer comme sujet politique : la solidarité. Ce principe de solidarité n'a rien à voir avec une apologie des bons sentiments, mais désigne le processus par lequel la masse monolithique se défait, se différencie et se structure. De cette manière, l'individu n'est plus seul dans la foule ou écrasé par l'entreprise. Il invente un nouveau lien qui lui permet d'exister en société. C'est en ce sens que le philosophe Giorgio Agamben a pu écrire de ce livre : "Tout bouge et s'éclaire sous le regard d'Andrea Cavalletti : la ville, la foule, les masses, la nature, le mythe. Ce qui enfin apparaît, à travers une lecture saisissante de Walter Benjamin, n'est rien de moins qu'une nouvelle figure du politique".

Par Andrea Cavalletti
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Philosophie

La Nouvelle-Orléans est sous les eaux ; la garde nationale marche sur la foule exaspérée. Les banlieues explosent et ainsi, phénomène digne de stupeur, les bandes révoltées semblent ressusciter des pages poussiéreuses de la Psychologiedes foules. Or justement, Gustave Le Bon, ce réactionnaire bon teint, n’avait pas manqué de faire remarquer que « ces foules bruyantes et malfaisantes, noyau de toutes les insurrections, de l’Antiquité à nos jours, sont les seules que connaissent les rhéteurs » (LaRévolutionfrançaise et la psychologie des révolutions, 1912).

L’opération qui va permettre ici de circonscrire le lieu de production du danger doit être l’inverse d’une opération rhétorique, son inversion même : elle devra révéler, au cœur du dispositif social, la possibilité d’un coup d’arrêt.

Une telle possibilité n’est autre que la destruction des conditions utiles et nécessaires au dispositif. Et le mérite de cette destruction ne reviendra pas à je ne sais quelle foule en délire.

 

 

 

1.

 

Qu’est-ce que la société moderne ? Jean-Claude Milner a proposé une réponse sans ambiguïté dans le style apodictique qui caractérise sa prose : « C’est la société qui naît de la rupture provoquée par 1789-1815. Bien entendu, elle ne s’est pas établie immédiatement ni partout, mais un idéal a été construit » (LesPenchantscriminels de l’Europe démocratique, 2003). Cela n’a pas pu échapper aux « observateurs les plus éclairés du congrès de Vienne » : pour la première fois, l’Europe se voyait proposer un type de société et non pas un type de gouvernement – qu’il s’agisse de la monarchie absolue du XVIIe siècle ou à l’époque de la Révolution, du concept d’institutions républicaines de Saint-Just. Si l’idéal de la politique avait toujours été le gouvernement, le xixe siècle « au rebours, met la société au centre du dispositif ».

Or, cette nouvelle organisation des  pouvoirs a été rendue possible parce que leur nouveau centre, qui était à la fois point d’application et source d’irradiation, avait atteint une nouvelle évidence :

« L’émergence de la société comme point organisateur de la vision politique du monde – et non plus le bon gouvernement –, en cela consiste la grande découverte de Balzac. Il la fit à Paris. Il ne pouvait la faire que là… De fait, l’exemple le plus clair est la donne d’une société qui, pour demeurer semblable à elle-même, passe son temps à se chercher un gouvernement, le rejetant dès que le degré d’adéquation descend au-dessous du tolérable. »

Mais, ajoute Milner, « il faut généraliser : la même société se déploie progressivement des deux côtés de la Manche et des deux côtés de l’Atlantique Nord, avec des types de gouvernement différents. À terme, les doctrinaires devront construire un modèle de gouvernement qui soit le dénominateur commun de tous ces gouvernements divers et rassemble sur lui les propriétés minimales requises pour qu’il serve le mieux possible à la société idéale… le dénominateur commun se dit démocratie ».

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trad. Martin Rueff
09/10/2013 190 pages 18,00 €
Scannez le code barre 9782081300200
9782081300200
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