#Essais

De la réorganisation de la société européenne

Claude Henri de Saint-Simon

Nous sommes en 1814 : la France est envahie, les alliés font leur entrée à Paris ; Napoléon abdique et Louis XVIII rétabli sur le trône d'un pays dont l'ordre ancien est détruit et l'ordre nouveau n'est pas assuré. A l'automne s'ouvre le Congrès de Vienne, qui réunit les représentants des Etats européens venus jeter les bases d'un nouvel ordre pacifique entre les nations. Au même moment, dénonçant les tactiques de la politique ordinaire, Saint-Simon appelle ses contemporains à s'arracher à l'étroitesse de leurs intérêts particuliers pour envisager l'organisation d'une Europe administrée par un parlement commun. Si cette proposition garantit à Saint-Simon sa place au panthéon des pionniers de l'idée européenne, l'originalité de sa problématique en déborde amplement les limites. Davantage que l'annonciateur du parlement européen ou le promoteur d'une alliance anglo-française, Saint-Simon se veut le prophète d'une confédération européenne dont chaque membre ne peut être vraiment heureux qu'en cherchant son bonheur dans celui de ses voisins. Nous touchons ici au coeur de la pensée utopique de Saint-Simon ; une pensée de paix et de réconciliation où hommes, classes et nations s'associent pour transformer la terre en nouveau jardin d'Eden.

Par Claude Henri de Saint-Simon
Chez Rivages

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Editeur

Rivages

Genre

Histoire internationale

 

 

 

 

 

 

Réorganiser l’Europe : un projet utopique de paix et de réconciliation

 

 

Peu de temps avant l’envahissement de la France par les forces coalisées, Henri de Saint-Simon prend la plume pour imputer aux élites intellectuelles de l’époque la responsabilité de la crise dans laquelle l’Europe était plongée depuis longtemps :

L’espèce humaine se trouve engagée dans une des plus fortes crises qu’elle ait essuyées depuis l’origine de son existence. Quel effort faites-vous pour terminer cette crise ? Quels moyens avez-vous de rétablir l’ordre dans la société humaine ? Toute l’Europe s’égorge. Que faites-vous pour arrêter cette boucherie ? Rien. Que dis-je, c’est vous qui perfectionnez les moyens de destruction, c’est vous qui dirigez leur emploi. Dans toutes les armées, on vous voit à la tête de l’artillerie. C’est vous qui conduisez les travaux pour l’attaque des places ! Que faites-vous, encore une fois, pour rétablir la paix ? Rien. Que pouvez-vous faire ? Rien. […] Quittez la direction de l’atelier scientifique. Laissez-nous réchauffer son cœur, qui s’est glacé sous votre présidence, et ramener toute son attention vers les travaux qui peuvent ramener la paix générale, en réorganisant la société. Quittez la présidence, nous allons la remplir à votre place, etc1.

Esprit génial et inventif, caractère hardi et noble, Saint-Simon l’est aussi par sa volonté de mettre ses forces et ses moyens à la disposition de ses contemporains. Placé dans une circonstance historique critique – celle de la fin de l’année 1813 –, traversant une période de misère absolue qui lui vaut une crise de dépression2, il pense que rien n’est plus impératif et plus utile que de combattre le mal qui avait frappé les sociétés européennes et d’y opposer le remède approprié. « Messieurs, dit-il en adressant son Mémoire aux physiologistes, je n’ai qu’une passion, celle de pacifier l’Europe ; qu’une idée, celle de réorganiser la société européenne3. »

Or, contrairement aux autres savants de l’époque qui se précipitent dans les couloirs des palais pour solliciter la faveur des rois, Saint-Simon garde quelques distances à l’égard du pouvoir temporel en soulignant que la cause de la crise européenne est principalement d’ordre spirituel. À ses yeux, les guerres napoléoniennes constituent l’épisode le plus sanglant d’une période de malaise pendant laquelle l’humanité oscille entre un système décadent des connaissances et un système nouveau qui est en train de s’imposer. Entre ces deux systèmes philosophiques ou, autrement dit, entre ces deux manières de percevoir le monde, il y a une différence fondamentale : la première était basée sur l’idée que les phénomènes de toute nature sont régis par plusieurs lois particulières alors que, pour la seconde, les divers faits examinés sont réglés par une seule loi immuable et inviolable ; le premier système était conjectural tandis que le second serait positif.

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11/06/2014 143 pages 7,10 €
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