#Polar

Depuis le temps de vos pères

Dan Waddell

Tout juste remis d'une enquête qui a manqué lui coûter la vie, l'inspecteur Grant Foster réintègre la Criminelle de Londres lorsque Katie Drake, actrice de théâtre sur le déclin, est retrouvée morte dans le jardin de sa propriété londonienne. Sa fille de quatorze ans est introuvable. Une seule piste : un cheveu sur le corps du cadavre. Lorsque les résultats des analyses ADN révèlent qu'il appartient à un parent de Katie Drake, Foster décide de faire une nouvelle fois appel au généalogiste Nigel Barnes pour tenter de retracer l'histoire familiale de la défunte. Très vite, les voici plongés dans l'univers codifié de l'Eglise des mormons. Une enquête qui les mènera jusqu'à Salt Lake City, au coeur des archives de la communauté, terrain de rêve pour le chevronné Nigel Barnes. Entre meurtres et disparitions d'enfants, dans une ambiance où noirceur et humour font bon ménage, le deuxième volume des enquêtes du généalogiste donne plus que jamais son sens à l'expression "les liens du sang"...

Par Dan Waddell
Chez Actes Sud Editions

0 Réactions |

Genre

Policiers

La bougie posée sur le rebord de la table de nuit était presque entièrement consumée. Sa flamme vacillait et projetait des ombres dansantes sur le mur. Sarah sentait le mouvement rythmé et paisible de la respiration de ses sœurs dont les poitrines se soulevaient et s’abaissaient. La facilité avec laquelle Henrietta et Emma parvenaient à s’endormir à peine leur tête posée sur l’oreiller avait le don de l’énerver, car il lui fallait se tourner et se retourner pendant une éternité avant de trouver le sommeil.

Mais pas ce soir. Elle se tenait raide, immobile sous les couvertures. Si elle bougeait, elle n’entendrait plus les voix étouffées qui lui parvenaient de la pièce voisine.

Il était question de son avenir, de sa vie.

Elle entendait sa mère implorer avec douceur, sangloter parfois. « Je ne souhaite pas vous désobéir », disait-elle. « Mais il a soixante-sept ans. Cela ne vous semble pas mal ? »

Le grondement sourd de la voix de son père était plus difficile à comprendre. Sarah sortit de sous les couvertures et avança prudemment jusqu’à la porte. L’air qui lui sortait des narines se transformait en buée dans l’atmosphère glacée. Elle frissonna. La nuit de septembre était limpide et froide mais, sous sa chemise de nuit, ses sous-vêtements lui en épargnaient la morsure. Elle ouvrit lentement la porte et se glissa dans l’obscurité du couloir. La conversation était plus nette.

« Sarah n’a que quatorze ans !

– Tu n’avais que quatorze ans, Annaleah, lorsque tu m’as été promise par ton père, ou tout au moins l’homme qui avait autorité sur toi. » Sarah percevait l’irritation de son père. Elle s’était déjà attiré ses foudres de nombreuses fois en raison de sa hardiesse.

Sa mère réprima un sanglot. « Que le Seigneur me pardonne, mais je me dois de protester…

– Assez ! » Le silence s’installa.

Seigneur, non. Hesker ? Sarah revoyait son estomac énorme, ses yeux globuleux, ses joues flasques, parsemées de poils, et ses lèvres molles et luisantes qu’il humidifiait d’un rapide coup de langue. Elle avait un goût de métal dans la bouche, signe de bile. Elle sentit la nausée s’emparer d’elle.

« La cause est entendue. Je ne souhaite plus en entendre parler.

– Mais, Orson…

– Annaleah ! » Le ton était résolu, sans appel.

Elle comprit que les protestations de sa mère venaient de prendre fin. Une larme tiède descendit lentement le long de sa joue. Elle regagna prestement sa chambre avant que son père ne se rende dans la sienne. Cela faisait fort longtemps qu’il n’honorait plus de sa présence celle de son épouse.

Elle tomba à genoux à côté de son lit et enfouit son visage baigné de larmes dans ses mains. Elle n’avait plus d’autre recours que le Seigneur.

« Notre Père bien-aimé qui êtes aux cieux, je vous rends grâce pour les bénédictions que vous m’avez accordées ainsi qu’à ma famille. La nourriture sur notre table, l’abondance des récoltes, la bonne santé du bétail. La manière dont vous avez épargné Joseph junior, lorsque la peste l’a frappé cet été et que tout espoir semblait vain. Je vous rends grâce pour tout cela et pour tant d’autres bénédictions. J’implore votre bonté. Si votre volonté est bel et bien que j’épouse Hesker Pettibone, je vous supplie de la reconsidérer. Je vous prie d’excuser mon insolence, mais je vous demande, humblement et respectueusement, de ne pas me laisser épouser ce vieux pourceau bedonnant – pardonnez cette description bien peu charitable. Si par malheur vous ignoriez ma requête, alors, pauvre de moi. Dès lors, je ne répondrai plus de mes actes. Amen. » Tandis que Sarah remontait dans le lit, cherchant de ses pieds glacés une source de chaleur, elle entendit les sanglots étouffés de sa mère dans la chambre voisine. Bizarrement, cela lui donna de la force.

Commenter ce livre

 

trad. Jean-René Dastugue
02/01/2013 391 pages 8,70 €
Scannez le code barre 9782330014483
9782330014483
© Notice établie par ORB
plus d'informations