#Essais

Des Anglais dans la Résistance. Le service secret britannique d'action (SOE) en France, 1940-1944

Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Michael Richard Daniell Foot

Ce livre fut pendant des années interdit de diffusion en langue française. Pourquoi ? Parce qu’il écornait l’image selon laquelle la Résistance aurait été une affaire purement franco-française. En 1940, Churchill créa le SOE, Special Operations Executive, avec mission de « mettre le feu à l’Europe ». Opérant d’abord en France à l’insu de la France Libre, le service britannique s’entendit ensuite avec elle pour des actions communes. Tous les agents de la France Libre chargés d’actions subversives ou d’organisations militaires dans l’Hexagone furent ainsi formés par le SOE, qui assura la plus grande partie des livraisons d’armes et de matériels radio à la France métropolitaine. Le service britannique n’en multiplia pas moins ses « organisateurs » et ses propres réseaux, d’où de nombreuses frictions entre Churchill et de Gaulle. Ayant accédé aux archives les plus secrètes, Michael Foot révèle des statistiques impressionnantes, 1 800 agents et passagers, parachutés, déposés ou débarqués en France, et livre les clés d’épisodes qui ont défrayé la chronique comme l’affaire du réseau CARTE, le drame Grandclément ou la chute du réseau PROSPER. C’est dire que cet ouvrage fait la part belle aux exploits, drames, trahisons, parties mortelles de poker menteur entre SOE et services de sécurité allemands. Surtout, comme le montre Jean-Louis Crémieux-Brilhac dans un substantiel avant-propos, la surprise est extrême de découvrir l’ampleur de l’action directement menée en France par les Britanniques et le nombre de Français qui y furent engagés.

Par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Michael Richard Daniell Foot
Chez Editions Tallandier

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Histoire de France

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AVANT-PROPOS

 

 

La fin d’un scandale ? Il peut paraître outré d’employer de tels mots à propos de ce livre. Et pourtant ! La parution en français du SOE in France de Michael Foot n’est possible aujourd’hui que grâce à la levée d’une mise à l’index imposée durant quarante ans par un gouvernement étranger et ami. Ni l’histoire diplomatique, ni l’histoire littéraire n’offrent rien de comparable. SOE in France, rédigé à Londres sur commande gouvernementale avec l’assentiment du Premier ministre de l’époque et édité en 1966, puis réédité en 1967 par l’Imprimerie royale britannique (HMSO) dans la collection officielle d’histoire de la Grande-Bretagne en guerre, a été interdit de publication en français pendant près d’un demi-siècle par décision du Foreign Office. Un grand éditeur parisien l’avait fait traduire : le veto de Londres bloqua l’entreprise.

On peut penser que le Secrétaire d’État de Sa Majesté craignit de susciter des protestations d’anciens résistants et la colère du général de Gaulle, alors au sommet de sa carrière, en laissant publier en France une relation made in Britain et sous timbre officiel de l’action clandestine britannique dans notre pays durant la dernière guerre. Une critique acidulée de l’ouvrage avait paru dans le Figaro Littéraire du 16 juin 1966 sous la signature de l’ancien chef des services secrets de la France Libre André Dewavrin, alias colonel Passy. Son titre abusivement provocateur : « M.R.D. Foot, n’attaquez pas injustement la France Libre ! », les multiples interventions de son auteur, peut-être une discrète pression de notre ambassade (mais rien ne le confirme), ont pu renforcer les diplomates britanniques dans leur prudence. Il a fallu attendre 2004 pour qu’une nouvelle édition de SOE in France, publiée en Grande-Bretagne et aux États-Unis, incite les responsables de plusieurs hautes institutions françaises à demander la levée du veto, puis à s’accorder, la première traduction s’étant perdue, pour en financer une nouvelle et tirer de sa quasi-clandestinité un ouvrage qui reste une des premières sources de notre histoire clandestine.

C’est dire que l’importance de SOE in France n’a été connue, depuis sa parution, que dans un étroit cénacle. Arthur Calmette, ancien résistant et historien remarqué de l’un des grands mouvements de résistance, l’OCM, salua en 1967 dans la Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale « une œuvre maîtresse, […] importante par son volume, sa densité, le sérieux de sa documentation, l’effort d’objectivité de l’auteur, […] la première tentative pour présenter une vue d’ensemble de l’œuvre des services secrets britanniques en France ». Et de conclure que, en dépit de quelques critiques et lacunes, « aucun historien de la Résistance française ne [pourrait] désormais écrire sans avoir recours à cet ouvrage ».

Son auteur, Michael Foot, est en effet un pionnier de l’histoire des services secrets ; son autorité et sa probité intellectuelle sont unanimement reconnues ; il est un francophile avéré. Il a participé à la Seconde Guerre mondiale, en particulier dans ses dernières phases, en qualité d’officier de renseignement de la brigade du Special Air Service (SAS), l’unité de parachutistes chargée d’opérer sur les arrières ennemis. Rescapé lui-même d’un parachutage qui lui valut d’être fait prisonnier par les Allemands, il a eu par la suite une carrière universitaire brillante, d’abord enseignant à Oxford, puis titulaire de la chaire d’Histoire moderne à l’Université de Manchester. Bien que SOE in France ait été rédigé dans le cadre d’une mission officielle et que son texte ait été discuté avec les principaux chefs du service, puis ait bénéficié d’une sorte de nihil obstat de la part des autorités publiques, Foot peut à juste titre se flatter d’avoir écrit « non en fonctionnaire…, mais en historien » qui veut simplement expliquer les événements.

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23/04/2014 12,50 €
Scannez le code barre 9782847347661
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