#Essais

Des esclaves énergétiques. Réflexions sur le changement climatique

Jean-François Mouhot

Ce livre explore les liens historiques et les similarités entre esclavage et utilisation contemporaine des énergies fossiles et montre comment l'histoire peut nous aider à lutter contre le changement climatique. Il décrit d'abord le rôle moteur de la traite dans l'industrialisation au XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, puis explique comment l'abolition de l'esclavage peut être pensée en lien avec l'industrialisation. En multipliant les bras "virtuels"des nouveaux esclaves énergétiques que sont les machines ont en effet progressivement rendu moins nécessaire le recours au travail forcé. L'ouvrage explore ensuite les similarités troublantes entre l'utilisation des énergies fossiles aujourd'hui et l'emploi de la main-d'oeuvre servile hier, et les méthodes utilisées par les abolitionnistes pour parvenir à faire interdire la traite et l'esclavage. Ces méthodes peuvent encore inspirer aujourd'hui l'action politique pour décarboner la société. "Un livre brillant en même temps que profondément troublant, fondé sur une série de comparaisons extrêmement perspicaces et imaginatives entre esclavage et énergies fossiles. Les conclusions sont tout autant convaincantes qu'inquiétantes" - David Brion Davis, Université de Yale.

Par Jean-François Mouhot
Chez Champ Vallon Editions

0 Réactions |

Genre

Sciences historiques

 

 

 

 

PRÉFACE

Jean-Marc Jancovici1

 

 

 

Est-il anormal d’être esclavagiste? Sans aucun doute, répondra le citoyen d’une démocratie, qui ne pourra que considérer comme un progrès l’abolition formelle, en ce début de XXIe siècle, de cette forme bien particulière de relation entre les hommes dans la majeure partie des pays du monde.

Pourtant, à bien y regarder, cette situation a été bien plus une exception qu’une règle dans l’histoire des hommes, même au sein des démocraties citées en exemple dans les manuels d’histoire: Rome et Athènes avaient des citoyens… et des esclaves en même temps! L’esclavage était souvent ce que pouvaient espérer de mieux les prisonniers de guerre lors des conflits entre peuples ou tribus aux temps anciens (l’autre alternative était la mise à mort de manière plus ou moins rapide et sympathique), voire même les bannis d’une nation, puisque les travaux forcés ou obligatoires des prisonniers, civils ou de guerre, ne sont rien d’autre qu’une forme particulière d’esclavagisme.

Le règne animal lui-même n’est pas exempt de ce genre de relation: nombre d’animaux fournissent «gratuitement» du travail ou des services à d’autres, sans qu’ils aient trop le choix. Tous nos animaux domestiques sont formellement nos esclaves, et même les pucerons sont les esclaves des fourmis!

Alors pourquoi est-il devenu «normal» que les hommes ne connaissent plus cet état de manière ordinaire? Pour provocante qu’elle puisse paraître, cette question n’en est pas moins essentielle. Est-ce la nature humaine qui aurait profondément changé? Ou faut-il aller chercher ailleurs que dans la modification de notre génome – qui semble bien être à peu près le même aujourd’hui qu’il y a deux siècles – la raison profonde de cette évolution? Si la raison est ailleurs, il sera alors raisonnable de la trouver dans un facteur qui a commencé à se manifester au cours du XIXe siècle, et dont la montée en puissance a conduit à l’interdiction progressive de l’esclavage dans un nombre croissant de pays.

Ce facteur devra aussi avoir pour caractéristique de fournir un service de même nature que le travail des esclaves. Et, avec ce cahier des charges, une suggestion vient alors à l’esprit: ce qui a remplacé les esclaves humains, ce sont les esclaves mécaniques, c’est-à-dire… les machines! Comme les forçats des temps anciens, les machines cassent des cailloux, cultivent, cousent, poussent ou tirent, pompent, assemblent, et désormais informent… et ce pour un prix considérablement inférieur à celui du travail humain, même si le labeur lui-même n’est pas rémunéré. Car, pour ne pas perdre un esclave, il faut a minima le nourrir et le loger, même mal, et le prix de ce maintien en vie s’avérera de moins en moins compétitif avec le prix de la machine, ce qui a probablement joué un rôle majeur dans l’évolution que nous avons vécue.

Le pétrole et le charbon auraient donc été la cause profonde à l’origine des envies abolitionnistes? Voici une théorie qui peut sembler audacieuse, mais que Jean-François Mouhot a décidé d’explorer sous toutes ses facettes, et qui a conduit au présent livre. En relevant les parallèles entre la possession d’esclaves et la possession de machines, et ce qui fait passer de l’un à l’autre, Jean-François Mouhot s’inscrit dans la droite ligne de Freakonomics. Surtout, ne pas s’arrêter à l’écume des choses ou aux causes trop évidentes, au surplus quand un examen comparé un peu attentif montre que, en d’autres occasions, la même cause a eu des effets bien plus mineurs.

Commenter ce livre

 

22/09/2011 156 pages 17,30 €
Scannez le code barre 9782876735545
9782876735545
© Notice établie par ORB
plus d'informations