#Roman francophone

Dieu est un pote à moi

Cyril Massarotto

Il a trente ans, il est plutôt sympa et son meilleur ami c'est Dieu. Très utile, surtout quand on rencontre la femme de sa vie, qu'elle est étudiante à la Sorbonne alors qu'on est... vendeur dans un sex-shop.

Par Cyril Massarotto
Chez XO Editions

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Genre

Littérature française

An zéro

 

« Salut toi.
— Mais qu'est-ce que je fais là ? T'es qui ?
— Tu sais bien qui je suis.
— Tu es…
— Vas-y, dis-le.
— Tu es… Dieu ?
— Tu vois, ce n'était pas difficile ! Bien sûr que je suis Dieu. C'est comme ça que tu m'imaginais, non ?
— Oui, mais de là à te voir pour de vrai… Alors tu existes vraiment ?
— Bien sûr que j'existe !
— Non non, je le crois pas. C'est pas possible…
— Allez, s'il te plaît, ne fais pas comme les autres à passer des heures à te demander si c'est un rêve ou si tu es mort. Non tu n'es pas mort, oui je suis Dieu, oui j'existe, oui tu es bien en train de me parler. Tout ça n'est pas pour la télé, je ne suis pas un comédien avec une barbe blanche, il n'y a pas de caméra cachée. Que vous êtes pénibles ces derniers temps ! Avant, c'était vraiment moins compliqué… Ça y est, tu es rassuré ?
— Je sais pas, je crois que j'hallucine…
— Oh ! Qu'il est fatigant ! Allez, je te renvoie chez toi, appelle-moi quand tu seras moins suspicieux. »

Il fait un petit geste de la main et me revoilà dans mon salon, assis sur mon canapé exactement comme tout à l'heure, avant que je ne me retrouve dans le ciel. Eh oui, je viens de me rendre compte que je parlais à Dieu, et qu'il habite dans les nuages. Comme Casimir en fait. Mais bon, en pas tout à fait pareil, Dieu il est super-impressionnant, honnêtement il en jette.
Je crois qu'il faut que je fasse le point : j'ai trente ans, jamais eu de soucis psychiatriques, pas bu d'alcool aujourd'hui et pas consommé de drogue depuis longtemps. Alors il vient de se passer quoi, là ? J'étais en train de ne rien faire devant ma télé, et tout d'un coup je suis aveuglé par une sorte de flash et en moins d'une seconde je suis dans le ciel, en train de parler avec un vieux mec qui, selon toute vraisemblance, est Dieu. En tout cas, c'est le mec qui ressemble le plus à Dieu que j'aie jamais rencontré. Et puis, il faut se rendre à l'évidence, je ne vois pas qui d'autre aurait pu faire une chose pareille, la téléportation et le décor… C'est sûr, c'est bien lui. Alors là, c'est la meilleure ! Dieu m'a appelé, il m'a fait venir chez lui, il m'a parlé ! Incroyable ! Je suis une sorte de prophète ou quoi ? Il veut certainement me transmettre un message à délivrer au reste de l'humanité ou quelque chose dans le genre… Il faut que je sache. Je vais l'appeler comme il m'a dit de le faire :

« Euh… Dieu ? »
Le même flash que tout à l'heure et me revoilà devant lui :
« Alors, tu t'es calmé ?
— Attends, mets-toi à ma place, rencontrer Dieu, ça fait quelque chose ! Un peu comme la fois où j'ai vu Ophélie Winter pour de vrai dans la rue…
— Merci de la comparaison…
— Non, mais tu comprends ce que je veux dire ! C'est pas que je te compare, c'était pour donner un exemple !
— Oui, oui, j'avais compris, je peux te taquiner un peu, non ?
— Parce que Dieu, ça taquine ?
— Ne dis pas “ça” quand tu parles de moi s'il te plaît, je ne suis pas un objet. Mais en effet, je taquine, comme tu dis. Je rigole même, et je fais des blagues aussi ! Tu verras avec le temps que je ne suis pas du tout comme tu m'imagines.
— Là je t'avoue que je m'attends à tout… Au fait, tu préférerais peut-être que je te dise vous, non ?
— Pas besoin, de toute façon tu t'es déjà habitué à me dire tu. Je ne crains pas le manque de respect tu sais, je n'ai pas vraiment les mêmes sentiments que vous, les Hommes, à ce niveau-là, pas de problème d'ego puisque je suis Tout. Enfin, c'est une façon de parler, comment t'expliquer ?… Tu vois, mon plus gros problème lorsque je choisis de parler avec quelqu'un, c'est de faire abstraction de l'immense majorité de ce que je sais pour simplement parvenir à me faire comprendre. C'est un exercice de style assez fatigant.
— Ah ! Parce que tu ressens des trucs physiquement et moralement ?
— Évidemment. Mais si tu le veux bien, on en reparlera plus tard, quand tu seras prêt.
— Et je serai prêt quand ?
— Dans peu de temps, rassure-toi.
— C'est zarbi quand même… ah pardon, zarbi ça veut dire bizarre, c'est du verlan. Ah pardon, verlan ça veut dire…
— Non, mais tu me prends pour qui ? Ton voisin de palier, un vendeur d'aspirateurs à domicile ? Je te rappelle que je suis Dieu. Je parle toutes les langues, tous les dialectes, je comprends et je sais tout ce qui sort de la bouche de tous les Hommes. Voici le Savoir numéro Un : en ce qui vous concerne, vous les Hommes, je suis omniscient. Tu sais ce que ça veut dire ?
— A priori, que tu sais tout sur nous.
— Bravo ! Tu as intégré le Savoir numéro Un.
— Ouais super, j'ai gagné quoi ?
— Je peux rallonger ton sexe de quelques centimètres, tu es partant ? Allez, ça ne sera pas de trop…
— C'est pas possible d'être aussi vulgaire ! Je sais pas, fais quelque chose, tu devrais tenir ton rang de Dieu quand même ! Y a pas une déontologie des dieux, un comportement approprié ?
— Alors voici deux choses de plus à retenir pour toi : Savoir numéro Deux, il n'y a qu'un Dieu, c'est moi. Savoir numéro Trois, tout ce qui a trait aux Hommes, c'est moi, donc je peux tout me permettre. L'amour, c'est moi, la poésie c'est moi, la vulgarité c'est aussi moi, la littérature c'est moi, la musique c'est moi, l'humour c'est moi…
— La modestie c'est quelqu'un d'autre apparemment…
— Tu es vraiment comme je te savais. Tu balances des vannes à Dieu, sans le moindre scrupule ! Essaie de te rendre compte : tu te moques de Dieu !
— En même temps je me sens tellement à l'aise avec toi, comme si on se connaissait déjà…
— C'est normal, tous ceux qui me rencontrent ont cette impression. J'ai toujours veillé sur toi comme sur vous tous, je te connais mieux que tu ne te connais. Je suis un peu ton père, un peu tes amis, on est en famille quand on est ensemble.
— C'est-à-dire ?
— C'est-à-dire que tu me connais toi aussi. Tu existes, donc tu me connais. Je suis un peu de toi, et toi un peu de moi. Mais je vais te laisser tranquille un moment, tu y repenseras au calme. Avant de te quitter, je te livre le Savoir numéro Quatre, qui est aussi le dernier : tu ne dois pas accorder à notre rencontre plus d'importance qu'elle n'en a réellement. Tu comprendras avec le temps, comme le reste. Allez, à bientôt. »

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04/09/2008 232 pages 16,90 €
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