#Roman francophone

Emmanuelle. Tome 2, L'antivierge

Emmanuelle Arsan

Bien que l'ensemble ait été conçu à l'origine comme un seul ouvrage, Emmanuelle 1 et Emmanuelle 2 ont été séparés au gré des publications, et le deuxième volume a souvent été occulté. Un large public peut enfin redécouvrir cet ouvrage qu'Emmanuelle Arsan entame par une déclaration claire et nette : "J'appelle vierge la femme qui n'a fait l'amour qu'avec un seul homme". Dans ce deuxième volet d'initiation érotique, il est plus que jamais question de se donner, et de se donner à plusieurs, car "l'amour d'aimer est ce qui fait de vous la fiancée du monde". Mario, l'initiateur d'Emmanuelle, invite cette dernière à mener plus loin sa mission érotique, à vivre de nouvelles expériences et à démultiplier le nombre de ses partenaires. Il lui propose des situations de plus en plus insolites, de l'exhibitionnisme masturbatoire au "festival de la volupté" (une orgie) en passant par la prostitution volontaire au sein d'une "maison de verre" futuriste. Emmanuelle et Mario rencontrent la jeune et sage Anna Maria Serguine, et à travers cette nouvelle figure que les deux amants vont progressivement faire entrer dans leur jeu, c'est d'une véritable conversion érotique qu'il s'agit. Anna Maria est croyante, vierge et récalcitrante, et Emmanuelle est amoureuse d'elle. L'ardeur érotique gagne Anna Maria, et le roman conclut au triomphe du "trio heureux" contre l'exclusivité du couple.

Par Emmanuelle Arsan
Chez Belfond

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Editeur

Belfond

Genre

Littérature érotique et sentim

2

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J’appelle vierge la femme qui n’a fait l’amour qu’avec un seul homme.

 

M. R. A.

 

 

 

 

 

Le monde n’est réel que si je le dérange.

 

Alain BOSQUET, Deuxième testament

 

 

 

 

 

1

 

 

L’AMOUR D’AIMER EST CE QUI FAIT DE VOUS LA FIANCÉE DU MONDE

 

 

 

Nous qui mourrons peut-être un jour, disons l’homme immortel au foyer de l’instant.

 

SAINT-JOHN PERSE, Amers

 

 

— Anna Maria Serguine.

Mario avait fait chanter à n’en plus finir le « i » du prénom, sur une note haute, isolée, qui donnait au reste des syllabes un ton de confidence, calfeutré et tendre.

La jeune fille restait assise au volant de sa voiture. Mario lui prit la main, présenta à Emmanuelle  les longs doigts sans bagues, à plat sur sa paume.

« Anna Maria », répète un écho au-dedans d’Emmanuelle, qui s’efforce de ressaisir la sensation de caresse, après la vibration florentine du « r ». Des bribes de plainchant lui reviennent, imprégnées d’encens et de cire chaude. Panis angelicus. Les genoux des filles sous la décence des jupes. Les rêveries délectables. O res mirabilis ! Les gorges qui prolongent les « i », les langues qui les mouillent de leur salive, les lèvres qui s’entrouvrent sur les dents offertes… O salutaris hostia… Emmanuelle dore d’une lumière de vitrail, venue de l’autre bout du monde, le visage inconnu, se reprochant de ne trouver, pour en annoncer la beauté, que des vocables d’écolière.

« Une pure merveille ! célèbre-t-elle en secret. D’une pureté sûre de soi, jubilante, heureuse. » Elle en a le cœur serré. Tant de grâce ne peut être qu’un songe !

— Ce sera à vous de la rendre réelle, dit Mario, et elle se demanda si elle ne venait pas de penser tout haut.

Le rire d’Anna Maria éclata, si libre de gêne qu’Emmanuelle en fut soulagée. Elle se décida à prendre la main de la visiteuse.

— Pas tout de suite, plaisanta celle-ci. Je dois être à l’heure pour le thé des dames.

Elle se retourna vers Mario, qu’elle regardait de bas en haut, comme si elle ne se l’était pas rappelé si grand. L’auto était presque à ras de terre.

— Tu trouveras bien une bonne âme pour te reconduire ?

— Via, cara, via !

Les roues patinèrent sur les pierres. Sans pare-brise, sans garde-boue, sans capote ! s’inquiéta Emmanuelle, levant les yeux vers le ciel noir. Déjà malheureuse, elle regardait s’éloigner le rêve.

— Moi qui croyais connaître ce que la terre a fait de plus beau ! Où avez-vous trouvé cet archange ?

— Quelqu’un de ma parenté, dit Mario. Elle me sert quelquefois de chauffeur.

Il s’enquit :

— Elle vous intéresse ? Emmanuelle ne fit pas un signe.

— Elle viendra demain, annonça-t-il. Il laissa passer un moment.

— Je vous en préviens : il vous faudra plus que l’émouvoir. Mais je ne doute pas que vous réussirez à lui faire entendre raison.

— Moi ! protesta Emmanuelle. Comment ferais-je pareille chose ? J’ai encore tout à apprendre.

Elle sentait une morsure de dépit. Estimait-il, pour son compte, l’expérience terminée après une seule leçon ?

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14/03/2013 328 pages 18,00 €
Scannez le code barre 9782714454898
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