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Et Dior créa la femme

Francis Huster

Dans ce roman à la fois vrai et fantasmé, où l'on croise son copain d'enfance Patrick Dewaere, Jean-Louis Barrault ou Jean Marais, le comédien s'intéresse aux dernières années de Christian Dior, celles qui ont vu le succès d'un homme, d'un style et d'une marque. En se racontant au travers de l'histoire de Dior, Francis Huster évoque sa mère couturière, ses souvenirs de théâtre, ses rencontres, ses rêves et le parfum envoûtant des années 1950. C'est surtout, dans un style très personnel, enthousiaste et inventif, le prétexte à un éloge de la folie créatrice, de l'excellence française dans ce qu'elle a de plus admirable, de plus élégant, mais, avant toute chose, c'est une déclaration d'amour à celles sans qui Christian ne serait jamais devenu Dior et qui, sans Dior, ne seraient pas tout à fait les mêmes : les femmes.

Par Francis Huster
Chez Le Cherche Midi

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Genre

Décoration

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Cette nuit, j’ai rêvé de Christian Dior. C’est complètement fou. Christian Dior? Mais pourquoi Christian Dior? Je suis comme vous. Je neme rappelle jamais mes rêves. Je suis cependant certain d’avoir rêvé parce que je me réveille avec cette étrange sensation d’avoir quelque chose à raconter. Seulement je suis incapable de savoir quoi.

Je fais mon malin en proclamant: «Hé! Vous n’imaginez pas de quoi j’ai rêvé cette nuit!» Mon inter- locuteur me répond immanquablement par la négative, arborant ce petit pincement de lèvres qui signifie: « Et comment voudrais-tu que je le sache ? » Mais alors je me défile. «Justement, je n’arrive pas à m’en souvenir, mais je sais que c’était quelque chose avec...» Et, selon l’instant, selon l’humeur, je sors de mon chapeau un nom fabuleux. Marilyn Monroe, Cassius Clay ou encore le Pyrocraptus tirannus, dinosaure de mon invention,bien connu pour sa passion dévorante du hot ketchup et de la grille sudoku du New York Herald Tribune.

C’est vrai, voyez-vous, le matin, plus schnock que moi, ça n’existe pas. Je n’avais, ce matin-là, dans ma salle de bains, que ma tronche mal réveillée à qui m’adresser. Deux yeux à peine ouverts semblaient me dire qu’ils ne daigneraient pas plus s’ouvrir pour monsieur Christian Dior que pour le retour impossible de Zinedine Zidane en équipe de France. Vous ne seriez pas en train de lire ces lignes si je ne m’étais, alors, coupé au menton avec mon rasoir. Le sang pissait main- tenant sur mon cou. Et sur le tee-shirt que j’avais passé, à l’envers.

Aucun Kleenex sous la main, je me précipitai alors sur le rouleau de papier toilette pour apercevoir, l’ins- tant d’après, mon visage recouvert d’improbables carrés blancs se chevauchant les uns les autres dans un étrange patchwork, et rougissant à vue d’œil, que je devais constamment remplacer par d’autres, imma- culés. Pas d’alcool à portée de main. Une goutte de sang coula sur mon doigt. Rouge Dior. De mon index, j’écrivis sur le miroir un prénom: Mitzah. Pourquoi Mitzah, mon Dieu?

Dior était un homme secret, fragile peut-être, spon- tané et généreux. Mitzah demeurait à ses côtés plus qu’une présence chaleureuse. Qui était cette sublimehéroïne sortie tout droit d’un roman d’Agatha Christie ? Splendide femme fatale aux multiples visages et aux multiples vies. À la fois muse de Christian Dior, reine enviée de l’avenue Montaigne, Cléopâtre du César des ciseaux. Visage ovale magnifique portant un turban d’impératrice, port altier de maîtresse femme aux talons vertigineux, yeux en amande, regard vert comme le Nil, peau de satin et sourire ombré. Mille fois femme. Que la légende certifiait sans culotte. Follement séductrice et follement séduisante. Elle était sa femme de confiance, son grain de folie, son inséparable. Dior pouvait compter sur elle: elle ne lui cachait rien, et n’hésitait jamais à se montrer critique envers lui.

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22/11/2012 185 pages 17,00 €
Scannez le code barre 9782749127972
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