#Roman étranger

Filles de Shanghai

Lisa See

Chine, 1937. Shanghai est le joyau de l'Asie, ville lumière, colorée et tumultueuse, abritant millionnaires et mendiants, patriotes et révolutionnaires, artistes et seigneurs de guerre. C'est aussi là que vivent les soeurs Chin, Pearl et May, magnifiques jeunes femmes, aisées et rebelles, aux tempéraments pourtant opposés. Mais l'insouciance s'arrête brutalement pour les deux soeurs le jour où leur père, ruiné, décide de les vendre à des Chinois de Californie, venus chercher des épouses en Chine. Alors que les bombes japonaises s'abattent sur leur ville natale, une nouvelle vie commence à Los Angeles pour les jeunes femmes. Pearl et May tentent de s'adapter au rêve américain, elles cherchent l'amour et la célébrité tout en bravant le racisme qui sévit aux Etats-Unis à cette époque. Best-seller en cours de traduction dans 40 pays, Filles de Shanghai est une histoire de soeurs, complices et amies inséparables, partageant les mêmes rêves et espoirs, mais aussi rongées par la jalousie et la rivalité. Lisa See est passée maître dans l'art de raconter les vies de femmes hors du commun.

Par Lisa See
Chez Flammarion

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Auteur

Lisa See

Editeur

Flammarion

Genre

Littérature étrangère

Pour ma cousine Leslee Leong,
ma complice dans l’entretien
du souvenir.

FILLES DE SHANGHAI

L’action de Filles de Shanghai se déroule de 1937 à 1957. Les lecteurs y trouveront un certain nombre d’expressions que nous qualifierions aujourd’hui de politiquement incorrectes, mais qui étaient à l’époque d’un usage courant. J’ai utilisé le système Wade-Giles pour la translittération des mots chinois – qu’il s’agisse du mandarin, du cantonais ou des dialectes de Sze Yup et de Wu –, soucieuse là encore de respecter l’usage de l’époque.

Concernant les taux de change : la monnaie qui avait cours à Shanghai jusqu’en novembre 1935 était le dollar d’argent ; le yuan chinois lui a succédé à partir de cette date. Les deux monnaies avaient à peu près la même valeur. J’ai choisi de m’en tenir aux dollars et aux cents, étant donné qu’ils étaient encore en circulation et que cette monnaie est plus familière aux lecteurs occidentaux. La valeur des petites pièces en cuivre allait de 300 à 330 piécettes pour un dollar d’argent (ou un yuan).

— Notre fille ressemble à une paysanne du sud de la Chine avec ces joues rouges, se plaint mon père, ignorant ostensiblement la soupe qu’on a posée devant lui. Tu ne peux vraiment rien y faire ?

Maman le regarde, mais que peut-elle répondre ? J’ai un assez joli visage – certains le qualifient même de charmant – mais il n’a pas la pâleur de la perle dont je porte le nom. J’ai tendance à rougir pour un rien. Pire encore, je suis sujette aux coups de soleil. Dès que j’ai eu cinq ans, ma mère a commencé à m’enduire le visage et les bras de diverses crèmes. Elle mélangeait aussi de la poudre de perles à mon jook, le potage de riz matinal, dans l’espoir que leur blancheur naturelle imprégnerait ma peau. Cela s’est avéré inefficace. Pour l’instant, mes joues sont écarlates – ce que mon père a en horreur – et je me recroqueville sur ma chaise. J’ai tendance à me faire toute petite devant lui, mais c’est encore pire quand ses yeux délaissent ma sœur pour se porter sur moi. Je suis plus grande que mon père, ce qui a le don de l’irriter. Nous vivons à Shanghai, où le fait de posséder la plus grande voiture, la plus grande maison ou le plus grand immeuble, témoigne que l’on est une personne d’importance. Je ne suis pas une personne d’importance.

— Elle se croit maligne, poursuit mon père.

Il porte un costume occidental, d’excellente coupe. Ses cheveux laissent apparaître quelques rares mèches grises. On le sent tendu depuis quelque temps, mais ce soir son humeur est encore plus sombre qu’à l’ordinaire. Peut-être son cheval préféré a-t-il perdu aux courses ou les dés ne lui ont-ils pas été favorables.

— Une chose est sûre, continue-t-il, c’est qu’elle n’est pas bonne à grand-chose.

C’est une autre critique favorite de mon père, inspirée d’un propos de Confucius qui prétend qu’« une femme cultivée est une femme inutile ». Les gens me trouvent trop studieuse – ce qui, même en 1937, est loin d’être un compliment. Et j’ai beau être maligne, j’ignore comment me prémunir contre les propos de mon père.

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trad. Pierre Ménard
05/05/2010 426 pages 21,40 €
Scannez le code barre 9782081228221
9782081228221
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