Editeur
Genre
Littérature érotique et sentim
6 h 30 – Le radioréveil se déclencha. Sur France Info, une voix masculine égrenait sans états d’âme les informations. Couchée sur le ventre, Clarisse tâtonna, fit tomber un livre de la table de chevet, maugréa, trouva enfin l’interrupteur, baissa le son. La jeune femme s’octroya cinq minutes avant d’ouvrir les yeux pour rester dans la chaleur du lit. Les mots « Costa Concordia » la firent sursauter ; elle tendit l’oreille. Le naufrage du paquebot l’avait rendue malade. Elle avait fait une croisière en Méditerranée l’an dernier et avait aimé cette vie sans contraintes, vouée uniquement au bien-être. L’idée que le bateau pouvait sombrer ne lui était même pas venue à l’esprit. Il était question de redresser le navire pour le conduire dans un port où il serait désossé. Elle revit en pensée les belles salles de restaurant, les salons cosy, les bars, et l’intérieur de la chapelle décorée de fresques délicates. Tout le tribord sous l’eau, les images glauques et surréalistes des reportages dans la carcasse éventrée lui revinrent en mémoire, et puis la tragédie de tous ces morts...
Elle frissonna. Comment aurait- elle fait si, ce 13 janvier, elle avait été confrontée au même désastre ? Aurait-elle pu nager jusqu’à l’île de Giglio munie de ce fameux gilet de sauvetage ? Sa fille Léa qui l’accompagnait, excellente nageuse, lui avait assuré qu’elle l’aurait conduite sur la terre ferme sans encombre. Léa ! Sa présence l’avait sécurisée même si parfois elle s’inquiétait de voir le lit vide à 4 heures du matin... Les enfants d’aujourd’hui n’avaient pas les mêmes limites que ceux d’hier. « J’ai bien le droit de parler avec mes potes », lui avait-elle dit de mauvaise humeur en regagnant sa couche. Ses potes ? Le bateau n’était parti que depuis deux jours ! À dix-sept ans, elle en prenait à son aise. Mais que faire ? Clarisse soupira, écoutant une énième fois les arguments de la droite contre ceux de la gauche qui souhaitaient voir leur candidat élu. Elle avait dormi, d’un mauvais sommeil haché et se sentait harassée avant même de poser un pied à terre.
Se tournant vers Olivier, elle le contempla dans une demi-pénombre. « Où pouvait-il bien être cette nuit ? » La tête appuyée sur un coude, elle le détaillait sans indul- gence, surprise de ne plus être sous le charme. Il s’était empâté, perdant ainsi de sa superbe. Le cou et le menton accusaient un piteux relâchement et de grands cernes mauves accentuaient les traits tirés du dormeur, détail qui alarma Clarisse, signe révélateur d’une nuit d’amour. Rentré à 3 heures du matin, que lui dirait-il en guise d’excuse ? Existait-il aussi un facteur Z, celui de l’infidélité masculine occultée avec soin par des chercheurs mâles ? Elle grimaça, irritée d’éprouver tant de méfiance. Et pourtant, qu’avait-il fait de sa soirée ? Lorsqu’elle avait appelé au cabinet, il y avait le répondeur ; au Cercle, lieu privilégié des joueurs de cartes, une voix évasive avait dit, après quelques hésitations, qu’il devait être dans les étages. Dans les étages ! Ridicule ! La fraternité, en cas de suspicion des légitimes, ne pouvait que jouer ! Sans doute avait-il terminé sa sortie chez l’un ou l’autre de ses partenaires de poker devant l’ultime verre. L’état de sommeil ne révélait-il pas l’âme ? Son visage désarmé n’avait rien à voir avec celui qu’il montrait en public.
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