#Roman étranger

Hanns et Rudolf

Thomas Harding

Ils sont deux. Deux Allemands nés à l'aube du XXe siècle, que rien ne rapproche et que tout, opposera, à mort. Deux hommes ordinaires que l'Histoire transformera en personnages d'une épopée noire. Rudolf Höss n'est pas né monstre, il l'est devenu : enfance austère aux confins de la Forêt-Noire, Grande Guerre, retour dans une Allemagne chaotique ; le parti nazi et l'armée seront son unique famille. A chaque étape, il franchit un nouveau degré de violence et sa conscience morale se brise. Il a beau douter, c'est à lui que sera confiée la création du camp d'Auschwitz. Il ne le sait pas, mais il a signé un pacte avec le diable. Hanns Alexander est un juif allemand de la grande bourgeoisie, dont l'enfance à Berlin est heureuse, entourée de grands esprits : une Allemagne brillante, cultivée, humaniste, mais condamnée. Hanns est bien informé, il s'exile à Londres juste à temps, mais n'abandonne pas : non seulement il s'engage sous le drapeau britannique, mais il dirige une unité de recherche des criminels de guerre nazis. C'est lui qui retrouvera Rudolf Höss. Face à face terrifiant et mise en scène bouleversante d'un monde qui a perdu ses repères, Hanns et Rudolf raconte une double histoire d'homme "normal". L'un devient grand dans l'horreur, l'autre dans la dignité. Comment le premier a-t-il basculé du côté de l'enfer ? Pourquoi le second a-t-il choisi de faire justice ? Il fallait un récit sans faille et sans jugement pour que le lecteur d'aujourd'hui l'éprouve et le comprenne.

Par Thomas Harding
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Littérature étrangère

 

 

 

 

Prologue

 

 

ALEXANDER Howard Harvey, Hanns pour les intimes, nous a quittés dans la paix et la tranquillité ce vendredi 23 décembre. L’incinération aura lieu jeudi 28 décembre à 14 h 30 dans la chapelle ouest du crématorium Golders Green à Hoop Lane. Pas de fleurs, mais si vous le souhaitez, dons au profit du North London Hospice.

Daily Telegraph, 28 décembre 2006

 

 

 

Les obsèques de Hanns Alexander eurent lieu par une après-midi froide et pluvieuse, trois jours après Noël. Malgré cette conspiration de la météo et du calendrier, nombreux furent ceux qui vinrent lui rendre un dernier hommage. Plus de trois cents personnes se pressèrent dans la petite chapelle. Les membres de la synagogue, arrivés en avance et en force, avaient accaparé tous les bancs. Une quinzaine d’anciens collègues de la banque Warburg, dont l’actuel président et son prédécesseur, avaient fait le déplacement. Les plus proches amis de Hanns étaient là, tout comme la famille élargie. Ann, l’épouse qui l’avait accompagné pendant soixante ans, avait pris place au premier rang avec leurs deux filles, Jackie et Annette.

Le chantre de la synagogue récita le kaddish, la prière traditionnelle des juifs pour les morts. Puis il laissa flotter un instant de silence et, tournant le regard vers Ann et ses deux filles, ajouta quelques mots, pour dire combien cette perte qui l’attristait était immense pour la communauté. Lorsqu’il eut terminé, deux neveux de Hanns s’avancèrent pour prononcer l’éloge funèbre.

La plupart des épisodes étaient connus de tous : l’enfance à Berlin. L’exil de sa famille en Angleterre, pour fuir le régime nazi. Les faits d’armes de Hanns dans l’armée britannique, pendant la guerre. Sa carrière de petit banquier. Son dévouement à sa famille et son demi-siècle de bénévolat à la synagogue.

Un détail, cependant, prit presque toute l’assistance de court : à la fin de la guerre, Hanns avait traqué le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss.

La nouvelle piqua ma curiosité. Hanns Alexander était le frère de ma grand-mère, mon grand-oncle. Dans notre enfance, on nous avait toujours recommandé, à mes cousins et à moi-même, de ne jamais lui poser de questions sur la guerre. Et voilà que j’apprenais que Hanns avait peut-être été un chasseur de nazis.

L’idée que ce personnage sympathique, mais somme toute quelconque, ait pu être un héros de guerre me paraissait improbable. Cette histoire de nazis n’était sans doute qu’un de ces canulars que Hanns avait coutume de monter. Car l’homme, quoique très respecté, avait un côté un peu hâbleur et canaille : il s’amusait à jouer des tours aux anciens, à raconter des blagues salaces aux enfants et, porté par sa faconde, versait volontiers dans l’exagération. D’ailleurs, s’il avait vraiment pourchassé des nazis, pourquoi n’en disait-on rien dans son avis de décès ?

Je me mis en tête de démêler cette affaire.

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trad. Isabelle D. Taudière, Clémentine Peckre
02/04/2014 421 pages 21,90 €
Scannez le code barre 9782081300699
9782081300699
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