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Sciences historiques
Les maisons hantées font partie de notre imaginaire commun. De nombreux films continuent de faire de ce thème une source d’inspiration qui attire de très nombreux spectateurs dans les salles obscures, au-delà du public des films de fantastique ou d’épouvante. Pour preuve l’excellent film d’Alejandro Amenábar, Les Autres, sorti en 2001, qui avait pour décor une immense demeure victorienne, plongée dans la brume, isolée dans un grand parc perdu quelque part sur l’île de Jersey après la Seconde Guerre mondiale, et qui mettait en scène une mère, Grace, et ses deux enfants atteints d’une étrange photosensibilité, qui attendaient le retour du front du chef de famille. Et l’on pourrait songer à bien d’autres films récents tels que L’Orphelinat (El Orfanato)de Juan Antonio Bayona en 2007 ou encore Paranormal Activity, un film indépendant américain de Oren Peli, sorti sur les écrans en 2009 et qui a créé la surprise par son incroyable succès auprès du public.
Que nous y croyions ou non, le thème des « maisons hantées » exerce une certaine fascination que l’on peut expliquer de bien des manières : attachement aux lieux, sensibilité physique et psychologique à l’espace (se sentir à l’aise ou non dans un lieu), goût pour le bizarre, plaisir de se faire gentiment peur, vague croyance ou curiosité pour les fantômes, envie d’imaginer l’au-delà, questionnement métaphysique sur les traces que nous, et les autres, laissons sur notre passage…
Tout cela peut nous sembler intemporel. Cela l’est-il ? Peut-on vraiment imaginer que nos peurs ou nos angoisses, même si elles semblent des invariants anthropologiques, ne soient pas des productions en partie historiques et culturelles ?
En 1966, l’historien et démographe Peter Laslett publiait un ouvrage sous le beau titre The World we have lost, traduit trois ans plus tard en France sous le titre Ce monde que nous avons perdu. La formule a souvent été reprise, notamment par les historiens qui se sont appuyés sur l’anthropologie historique pour insister sur les ruptures et l’éloignement temporel qui rendent sans doute pensable l’histoire. Depuis Marc Bloch, les historiens osent dire et écrire qu’ils ne travaillent que sur des morts et sur le passé. La conscience historique contemporaine est donc en quelque sorte hantée ou habitée. Pourtant, des fantômes, l’histoire contemporaine ne veut pas vraiment en entendre parler.
En France, les maisons hantées ne sont pas considérées comme des sujets à part entière, dignes d’une histoire sérieuse par les spécialistes de la période contemporaine (XIXe-XXe siècles), alors qu’ils sont étudiés depuis plusieurs années déjà par les historiens médiévistes et modernistes et surtout par les spécialistes d’autres disciplines appartenant aux sciences sociales (sociologie, anthropologie, psychologie). Il y a pourtant matière à historicisation de ces sujets, qui, même s’ils semblent marginaux, n’en demeurent pas moins des « objets » culturels, au sens de productions de la culture, très largement partagés par les sociétés occidentales du XIXe siècle. Le XIXe siècle français par exemple regorge de « mal morts » et de revenants, de phénomènes surnaturels qui ne laissent pas de surprendre les contemporains : apparitions de la Vierge, retour du diable et même satanisme à la fin du siècle, errances des âmes du purgatoire qui connaissent un âge d’or ou encore intrusion de « Poltergeists ».
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