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Littérature étrangère
Pour Paula de Parma
Plus un auteur est d’avant-garde, moins il peut se permettre de se présenter comme tel. Mais qui s’en soucie ? En fait, ma phrase n’est qu’unmcguffin et n’a pas grand-chose à voir avec ce que je me propose de raconter même si, à la longue, tout ce que je vais dire sur mon invitation à Kassel, puis sur mon voyage dans cette ville, finira par déboucher précisément sur elle.
Comme d’aucuns le savent, pour expliquer ce qu’est un mcguffin, le mieux est de recourir à une scène de train : « Pourriez-vous me dire ce qu’est ce paquet rangé dans le porte-bagages au-dessus de votre tête ? » demande un passager. Et l’autre de lui répondre : « Ah, c’est un mcguffin. » Le premier veut savoir ce que c’est et le second le lui explique : « Un mcguffin est un instrument pour chasser des lions en Allemagne. » « Mais il n’y a pas de lions en Allemagne », rétorque le premier. « Ce n’est donc pas un mcguffin », répond le second.
Le mcguffin par excellence est Le Faucon maltais de John Huston, le film le plus bavard de l’histoire du cinéma. Il raconte la recherche d’une statuette, tribut payé à un roi espagnol par l’ordre des Hospitaliers pour acquérir une île. On y parle beaucoup, sans jamais s’arrêter, mais à la fin, le faucon convoité pour lequel certains sont allés jusqu’à perpétrer des crimes se révèle n’être que l’élément de suspense permettant à l’histoire d’avancer.
Comme vous avez déjà dû le deviner, il existe beaucoup de mcguffin. Le plus célèbre se trouve au début de Psychose de Hitchcock. Qui ne se souvient pas du vol commis par Janet Leigh dans les premières minutes ? Apparemment très important, il finit par ne jouer qu’un rôle insignifiant dans l’intrigue. Pourtant il nous oblige à être attentif à ce qui se passe sur l’écran pendant tout le reste du film.
Il y a, par exemple, des mcguffin dans tous les épisodes des Simpson où le prélude qui ouvre chacun d’entre eux n’a que très peu ou rien à voir avec la suite.
Mon premier mcguffin, je l’ai trouvé dans Meurtre à l’italienne de Pietro Germi, adaptation cinématographique d’un roman de Carlo Emilio Gadda. Dans ce film, le commissaire Ingravallo, bourré de cafés et perdu dans le labyrinthe de son enquête inextricable, téléphone de temps à autre à sa sainte épouse qu’on ne voit jamais. Est-il marié avec une McGuffin ?
On en trouve tant dans les parages qu’il y a à peine un an, l’un d’eux s’est infiltré dans ma vie quand, un matin, j’ai reçu à la maison l’appel d’une jeune fille qui disait se nommer María Boston et être la secrétaire des McGuffin, un couple irlandais qui souhaitait m’inviter à dîner. Elle était persuadée que moi aussi, je serais ravi de les voir et de les saluer car ils pensaient me faire une proposition irrésistible.
Étaient-ils milliardaires ? Voulaient-ils, pour quelque obscure raison, m’acheter ? C’est ce que je me suis demandé afin de réagir avec humour à ce coup de téléphone étrange, provocateur, sûrement une plaisanterie.
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