À mon fils, Pascal,
À mes filles,
À toutes les victimes de violences.
Préface
Lorsque Jacqueline Sauvage nous a confié la défense de ses intérêts en appel, nous avions déjà eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés et du verdict qui avait été rendu par la cour d’assises d’Orléans. Sollicitées par les médias, qui tentaient de faire le rapprochement avec l’acquittement en 2012 d’une de nos clientes, Alexandra Lange, nous avions exprimé notre indignation sur le fait que les femmes victimes de violences n’étaient toujours pas reconnues dans leur souffrance.
Aussi, c’est avec une certaine émotion que nous nous sommes rendues à la maison d’arrêt de Saran pour cette première rencontre.
Ce 19 février 2015, il faisait froid et humide dans le parloir de la prison. Cela faisait déjà plus d’une demi-heure que nous attendions notre cliente, que nous ne connaissions pas encore. Tendues et inquiètes comme pour toutes les premières fois, nous avons essayé de l’imaginer telle que nous l’avaient décrite ses trois filles : une femme qui avait tué leur père de trois coups de fusil de chasse, mais une femme de plus de soixante ans battue pendant près de cinquante ans par son mari violent, et surtout une mère qui, pour elles, le soir du drame, n’avait pas d’autre choix.
Des bruits de pas dans le couloir, une certaine agitation à l’extérieur, un gardien a ouvert la porte du parloir, c’était elle : Jacqueline Sauvage, une toute petite femme aux cheveux gris ramassés en chignon bas, aux yeux bleu pâle, cachés derrière de petites lunettes aux branches métalliques.
Nous sommes revenues régulièrement la voir pendant toute l’année 2015 et c’est au fil des heures, des jours et des mois que celle qui ne parlait pas ou peu a commencé à se livrer.
Comment cette femme « calme », « gentille », « qui supportait tout », qui aimait la nature et ses animaux, avait-elle pu commettre un acte aussi fou ?
Parce qu’elle était prisonnière de la situation ? Qu’elle vivait l’enfer ? Et qu’elle a cru mourir ?
Lorsque nous avons eu connaissance des dates d’audiences devant la cour d’appel de Blois, nous étions persuadées que Jacqueline Sauvage était prête à s’exprimer, à enfin s’expliquer. Mais nous n’avions pas assez mesuré l’impact et la violence des débats de ces assises.
Jacqueline Sauvage ne put se faire entendre, butant sur les questions les plus simples et paraissant confuse et contradictoire dans ses propos.
Alors même qu’il était évident qu’elle avait été exposée à un péril vital dans un état de stress extrême, elle ne put faire comprendre au jury qu’elle s’était protégée contre une agression extrêmement violente pour avoir une chance de rester en vie.
Le choix de plaider la légitime défense de Jacqueline au moment des faits s’était imposé au fur et à mesure de notre analyse du dossier, qui démontrait clairement que le geste fatal de cette femme n’était autre qu’un acte de survie.
Extraits
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