#Essais

Joseph sous la pluie. Romans, poèmes, dessins

Mano Solo

Mano Solo fut à la fois chanteur, dessinateur, peintre, nouvelliste et poète. Cet ouvrage réunit, pour la première fois, les principaux écrits et dessins de l'artiste : un roman édité à compte d'auteur, Joseph sous la pluie, des nouvelles, des poèmes et des dessins inédits. Ces documents permettent de plonger dans le cœur d'un homme déchiré par la maladie et la culpabilité, mais chez qui ressort toujours la joie de vivre et de créer.

Par Mano Solo
Chez Points

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Editeur

Points

Genre

Musique, danse

 

Préface

 

 

 

 

Il était là, ce jour-là, Joseph Solo, encore petit Mano, c’était un dimanche. Je n’y étais pas, j’aurais pu, je faisais partie de l’équipe. J’étais de la maison : les éditions du Square. Georges Bernier, dit le professeur Choron qui n’a pas donné mais pris son nom à une rue, venait de faire l’acquisition d’une péniche. Il voulait en tant que directeur en faire une librairie ambulante pour vendre Hara Kiri, Charlie hebdo, Charlie mensuel et les albums qui en découlaient. Des membres de l’équipe étaient venus, certains d’entre eux, avec leurs gosses. Mano était là avec son père. Une balade sur la Seine un chaud dimanche d’été. Ça promettait d’être plaisant. On devait passer sur une fine planche pour monter sur le bateau au risque de tomber dans l’eau. Ce dimanche-là, ça a mal fini. Mano le raconte dans ce qu’on pourrait appeler ses « petits poèmes en prose ». Il voit d’abord Willem avec son fils dans les bras. Le gamin était tombé dans la cale. Bien plus terrible, un tout-petit manque à l’appel. Il a échappé à la surveillance. Les pompiers retrouveront le corps. C’était l’enfant de l’attachée de presse et amie de l’équipe. Terrible journée.

 

Quelque vingt ans plus tard, Mano acquiert lui aussi une péniche. Joseph sous la pluie est l’histoire d’une panne de bateau. Et c’est sur cette péniche, coincée contre une berge, que Joseph fait le point, nous compte ses angoisses, ses délires, ses regrets, seul dans son Titanic amoureux, avec la conscience de ce qui l’attend. C’est Mano bien sûr qui fait un roman. Un roman sans coquetteries. Pour lui tout particulièrement, « la vie, c’est pas du gâteau ». Les femmes sont au cœur. Joseph les stylise en deux intensités féminines. La fille aux cheveux blancs, partie à temps, qui le hait et la fille aux cheveux noirs qui n’a plus les moyens de le haïr. Culpabilité, rage, colère, et, par moments, d’imprévisibles répits. Il décide d’aller de l’avant : « du passé faisons table mise, mangeons la vie tant qu’elle est chaude ». Mais étonné d’aller si bien, et comme effrayé par ce bien-être, il se remet la tête à l’envers pour remettre Joseph à l’endroit.

 

Il passe en revue tous les viatiques, et il s’interroge sur l’art. Il y croit. Il sait que c’est ce qui échappe aux instances grisâtres, aux sérieux sans substance. C’est en art que l’homme est démiurge. À cette époque, il croit encore à sa peinture. Plus tard il dira qu’il faut trop de temps pour faire un peintre et que lui n’en a pas assez. Mais l’art ne l’abandonnera jamais. Ce sera la chanson. À l’Olympia, quelle émotion que de le voir là avec ses musiciens et son chien qui se balade sur la scène, sa voix, son trémolo, son style, ce public qu’il a conquis sans les médias, ce public heureux d’entonner, complice, son Shalala. Ses chansons vous bouleversent si crues et pas geignardes pour un sou. Celle où il s’attriste de ne pas avoir d’enfants, de ne jamais pouvoir faire un bout de chemin avec son rejeton. Pour l’adoption il n’est pas dans les favoris. Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il aurait pu engendrer, lui, qui fut un gamin très rebelle. Né révolté. Ultra casse-cou. Qu’est-ce qu’il a dans la peau ? Dans la peau il aura bientôt des petits trous. Mais sa sensation d’être hors jeu n’a pas attendu le virus.

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05/01/2012 312 pages 10,00 €
Scannez le code barre 9782757826850
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