#Essais

Journal d'Hiroshima. 6 août-30 septembre 1945

Michihiko Hachiya

Racontée par un témoin survivant, l’explosion de la première bombe nucléaire prend effectivement toute son ampleur et tout son sens. Le docteur Hachiya écrit, au jour le jour, dans un style dépouillé et d’une poignante humanité, ce qui s’est passé dans la ville entre le matin tragique du 6 août 1945 et l’arrivée des troupes d’occupation américaines. Document vécu d’une valeur inestimable puisque l’auteur, grièvement blessé par la bombe, nous apporte le double témoignage d’une victime, et d’un médecin, occupé malgré ses blessures à soigner ses compatriotes, et à lutter contre les maladies provoquées par les radiations atomiques. « C’est une chose de jeter un regard au fond de l’enfer, et une autre d’entendre la voix d’un damné vous en faire la description jour après jour », a écrit à propos de cet ouvrage un journal américain. On reste pétrifié d’horreur devant les scènes décrites au cours de ces pages. Mais ce journal n’est pas que cela. Par delà la description de l’explosion, de l’incendie, et du typhon qui les suivit, ce livre sobre atteint aux cimes de l’héroïsme, et nous montre une humanité reprenant conscience d’elle-même, après le cataclysme. Il est riche d’observations psychologiques et d’enseignements humains. Il réalise ce tour de force, après nous avoir conduits au coeur de l’épouvante, de nous avoir apaisé, consolé, réconcilié avec la vie. Il fallait un témoin d’une singulière qualité pour nous amener à des hauteurs où la foi et l’espérance retrouvent tous leurs droits. La tragédie de Fukushima a ravivé le sujet du nucléaire dans les média et dans les consciences.

Par Michihiko Hachiya
Chez Editions Tallandier

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Genre

Histoire internationale

 

 

 

 

 

 

PRÉFACE

 

 

 

6 août 1945. 8 heures 15 du matin. Trois B29 américains traçaient dans le ciel d’Hiroshima. Les Japonais en alerte depuis l’aube, n’eurent pas d’inquiétude. Même si la ville n’avait encore jamais subi de raids aériens depuis le début de la guerre, ces avions n’étaient pas assez nombreux pour engager un bombardement dangereux. Ils se trompaient. L’un de ces trois bombardiers, baptisé Enola Gay, transportait dans ses soutes une bombe de 4,5 tonnes d’un nouveau genre. Une bombe à l’uranium d’une puissance équivalant à 15 000 tonnes de TNT. C’était la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’un engin d’une telle capacité avait été conçue afin de détruire une population civile. L’état-major américain l’appelait Little Boy.

La bombe explosa en l’air, à 580 mètres d’altitude. Une immense bulle de gaz incandescent de plus de 400 mètres de diamètre se forma en une fraction de seconde émettant un puissant rayonnement ; dessous, les températures augmentèrent en quelques instants de 4 000 degrés. Sur terre, le feu se déclenchait déjà. Le passage de l’onde de choc pulvérisa tout, provoqua des vents de plus de 800 km/h. Puis un champignon, fait de poussières et de débris de toutes sortes, entama une ascension de plusieurs kilomètres dans le ciel. Hiroshima n’était plus qu’un immense brasier et les victimes furent innombrables.

Innombrables en effet, puisque même 65 ans plus tard, il est impossible de chiffrer correctement le nombre de vies arrachées par cette bombe. Combien d’âmes abritait alors Hiroshima ? Nous l’ignorons. Les archives de la ville ont toutes été détruites par le bombardement. En outre, si Hiroshima avait été partiellement évacuée au début de la guerre, des centaines de réfugiés des cités voisines, victimes des raids aériens américains, y avaient trouvé asile sans être recensées. Quant aux corps, ils furent incinérés en masse. Toutefois, oser affirmer que Little Boy fit environ 100 000 morts, n’est pas un abus. Certains diront que les morts d’Hiroshima n’ont pas été plus nombreux que ceux causés par les bombardements des alliés sur Hambourg et sur Dresde. Pas plus nombreux, non plus, que ceux occasionnés par les trois raids américains sur Tokyo, entre février et mai 1945. Ils ont raison. La différence, et elle est de taille, tient en une chose : il fallut plusieurs jours, des centaines d’avions et des milliers de bombes pour détruire presque totalement Hambourg, Dresde et partiellement Tokyo. Là, un avion, un pilote et une bombe suffirent pour rayer Hiroshima de la carte.

Politiques et historiens se sont naturellement interrogés sur les raisons qui avaient conduit le gouvernement américain à approuver un tel bombardement. Officiellement, le président Truman et son état-major avaient souhaité frapper fort parce qu’ils n’entrevoyaient pas la fin du conflit avant 1946. L’opération « Downfall » impliquait une guerre à outrance qui envisageait trois débarquements bien plus importants que celui de Normandie dans l’archipel et les morts américains mais aussi japonais en auraient été autrement plus nombreux. La bombe atomique sur Hiroshima devait être le moyen le plus efficace pour mettre un terme à une guerre qui, du côté des alliés, s’avérait trop coûteuse.

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trad. Simon Duran
03/11/2011 302 pages 20,90 €
Scannez le code barre 9782847348286
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