#Roman francophone

Joyeux animaux de la misère Tome 1

Pierre Guyotat

"Une mégalopole intercontinentale et multiclimatique constituée de sept mégapoles dont l'une au moins est en guerre. Vaisseaux spatiaux, drones occupent l'espace céleste. En bas, animaux, monstres, fous de "dieu". En bordure d'un district "chaud" de l'une de ces sept mégapoles, de climat chaud, à proximité de grands ports et de grands chantiers, et dans un reste d'immeuble (rez-de-chaussée, escalier, deux étages), un bordel mené par un maître jeune qui l'a hérité de son père, et qui se pique. Trois putains y traitent un tout-venant de travailleurs - époux souvent trompés, pères prolifiques -, de fugitifs, d'échappés d'asiles, de meurtriers : deux mâles, un "père", son "fils", Rosario, une femelle en chambre à l'étage et qui ne sort jamais - un chien la garde. Les deux mâles sont renforcés, en cas d'affluence, d'un "appoint", époux abandonné avec enfants ; la femelle est le but sexuel mais il faut passer par l'un des mâles, le tarif comprend les deux prises. Vie domestique ordinaire dedans, et au dehors immédiat : toilette, à l'étage, des putains, leur exposition, en bas, à l'entrée contre le mur (la montre), prises disputées, conflit "père"/"fils", saillies de putains à putains d'autres bordels pour renouvellement des cheptels. Aventures extérieures, surtout pour Rosario dont la "mère" survit dans un abattage mi-urbain mi rustique, climat humide, très lointain dans la mégalopole. Il la visite à intervalles réguliers : le trajet d'aller, en camionnette ou fourgon locaux d'abord puis en bahut intercontinental, dure plus d'une journée, de nuit à nuit, la visite, quelques heures à l'aube, où, entre autres, la mère reprise le mowey, court vêtement, toujours redecousu, du "fils". La fiction avance sous forme de comédie, crue et enjouée, de dialogues, de jactances, de "direct" sur l'action en cours. J'ai écrit ce texte, de langue aisée, d'une seule traite et toutes affaires cessantes, comme exercice de détente dans le cours de la rédaction d'une ouvre plus longue, Géhenne, à paraître prochainement : son emportement, son allégresse se ressentent, je l'espère, de cette exclusive heureuse. Le monde qui s'y fait jour n'est ni à désirer ni à rejeter : il existe aussi, en morceaux séparés par la distance, dans l'humanité actuelle; et je ne suis ni le premier ni le dernier à vouloir et savoir tirer connaissance, beauté et bonté de ce qui peut nous paraître le plus sordide, voire le plus révoltant, à nous tels que nous sommes faits". Pierre Guyotat.

Par Pierre Guyotat
Chez Editions Gallimard

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Genre

Littérature française


 

 

 

 

 

 

Vers une nuit chaude

 


… « … et si je t’y mets ma paume à ta fesse… ? » — « mets-z-y que mon strass fluo nous éclaire ton panaris d’entre tes doigts… » — « … de quoi que tu me sais un panaris ? » — « à l’odeur, l’homme ! » — « … que, belle croupe courbée, tu nous vomis en décharge pleine nous rendre au couchant rouge ses remugles et tu me flaires un panaris te toucher ta fesse par-derrière ? » — « … et toi que tu nous débarques et nous tries, mâles, femelles, et nous comptes, les bestiaux déportés de l’autre courbure du monde, tu me devines mâle ou femelle ? » — « … des longues mèches crasse blondes te poisser aux épaules, des hauts talons verts tes chevilles rouges, fesses et reste de parfum femme… et de la mue sifflante ta gorge, de quoi que tes coudes en arrière, tu nous tiens à dix doigts tes côtes y remonter des fois des seins ?… un beau con bien évasé dans une belle fille bien dressée vers le haut… ! » — « attends que j’aie vomi tout mon gros vin ces moussous, là-bas debout les herbes crottées, peiner à me quitter leurs dépôts dans ma chatte, de dessus leurs genoux, jeans, shiorts, pagnes, qu’ils m’en ont fait boire à même dedans leur gorge » — « … ils vont pas te reprendre que c’est nous qu’on te veut ! » — « … hors montre qu’ils m’ont prise que présentement c’est leur heure de courir aux dépôts se disputer le meilleur crochet, le meilleur bâton, le meilleur sac pour courir tuer ramasser les rats… un sac de rats payé une monte à putain ! » — « … que si tu nous es sortie dehors pour vomir c’est que du carreau cassé de votre baie crasse sur trottoir tu nous as vu nos bons paquets ! » — « … c’est que l’eau est coupée dedans que je vais pas y ajouter mon rendu à notre monticule de chié… et que mes gars, qu’ils m’ont montée dans la pénombre qui rougit, j’ai, moi, leur jus ma chatte, à les raccompagner dehors, eux leur bras sur ma taille… qu’ils veulent demeurer encore dans l’odeur de leur jus et de ma sueur à aider la monte ! » — « … que nous, que tu nous vois qu’il en vient d’autres de derrière l’angle, tu nous prendrais te prendre un bon forfait ? » — « … que je vous entends vos pas traîner vers ma croupe… d’entre mon rendu me bloquer mes narines, vous flaire vos sueurs de tous les métiers… le maître qu’il m’attend là-haut m’apprêter pour la montre et je vous redescends propre, parée, qu’il vous range en bon ordre à ma chatte ! »


— « … t’attendre que nous autres on te prendrait en l’état et sans connaître ton devant, femelle ou mâle ou autre, debout au bâti, ou au sol ! » — « … m’attendre que le maître il m’ait redescendue en sent-bon et qu’il me nique son bien devant vous, le mandrin vous sera dressé de mieux ! » — « … que quoi, là-haut, la façade noire, que c’est de ça que tu nous sors, l’étage, des volets qui pendent avec de la fripe, de la peau pelue, à travers des myriades, un geignement comme de femme… » — « … notre petite femelle qu’on lui retire ses produits mauvais… ! » — « … qu’elle est à prendre ? » — « … oua, gars, dans mon tarif, que me voilà retournée, mon devant vous éblouir ! » — « … un mâle !… le beau paquet qui te remue entre tes cuisses ! du poil brun pour une blonde, des yeux bleus… » — « … que vois, là-haut, d’entre les volets, un ventre contre le garde-fou… » — « … un mandrin qui tape au barreau ? » — « de quelle couleur que c’est le poil du mâle ? » — « … brun, quasi noir, que c’est de la couleur de ta poitrine, de ce qui te sort de ton strass » — « … que c’est mon “mowey”, que ça serre les femmes qui dansent et se dévêtent dans les boîtes d’or et d’argent ! » — « … le mâle là-haut qu’on lui voit ses seins, sa gorge, sa bouche, une main, de derrière, lui prend la hanche… » — « … le poignet qui avance ses doigts dans l’aine du mâle, tout piqué, c’est le maître… et le mâle, le velu nu, c’en est un que ses couilles m’ont faite… qu’il nous a vus qu’il nous les agite et me montre que je fais saine et belle ! » — « … ton père ?… que c’en est un du bouic aussi ? » — « … que bientôt le maître nous le tirera à la décharge ! » — « … qu’il nous fait encore plein de chair et de la bien montée ! » — « … que toi tu nous en ballottes de beaux attributs que tu te balances d’un pied sur l’autre que tu nous veux de l’homme… » — « … de beaux attributs de devant aussi que j’y rende, avec, la pareille, à l’homme qui me prend ! » — « … si belle, la gosse, tes lèvres si charnues te pousser tes narines vers le haut, tes grands yeux vagues honte et désir de tous tes hommes dedans, que tu nous fais plus cher, pas vrai ?… que, d’où l’on vient, femelles et mâles, nus murets, corridors, caves, leur tarif au chié au dos, que, touche mon écarté, j’en ai ramoné une à se lever de chier en cour… que son maître à nous bâfrer des gâteaux, il me secoue sa main à cinq bagues que je peux me rentrer mes sous avec mon mandrin en jeans ! » — « que tu me prendrais, moi, de pieu, dans une femelle de rue non payée ? » — « … que te mets pas en bave, beauté, que ton vomi te brille aux joues ! » — « … que, mes doigts ta braguette, tu nous y fais encore du jus dedans, que c’est pour moi ou du reste de l’à-femelle ? » — « … tes beaux doigts gras me tirer le jeans par la boucle contre ton strass… de derrière ton rendu en gorge, quel feu te sort de ça que tu fais bien d’un maître, de dessus ta langue rapiécée m’embraser ma face, démone, que jusque minuit je vas te tenir de mandrin, m’encastrer mon écarté dans le tien… » — « … le bestiau n’attend pas qu’ils vont vous débourrer en cale de quoi vous verser les cargos ! » — « la ficelle nouée autour de ton poignet, de belles mouches dorées s’y suspendre encore y butiner en rai rouge… » — « de ça, dénoué, que d’un homme au suivant je me refais la chatte ! » — « … là-haut, votre femelle, du chien y jappe dans son geignement ! » — « … notre bête qu’elle nous garde la petite, pas d’homme qui s’approche du pieu qu’il ait pas payé la niquer ! » — « … le beau velu là-haut que votre maître, de par-derrière, il lui tient ses gros attributs en poing, de quoi qu’il nous tient un bras dans l’obscurité ? » — « … que, regarde mieux, l’homme, c’est qu’il l’a coupé de moitié ! » — « … un moignon qu’il a ? » — « oua ! » — « … que tes cheveux de beau blé tu les tiens de la femelle ? » — « oua, moussou, qu’elle est pas pour toi… trop loin, trop chère ! »

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20/03/2014 411 pages 21,50 €
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