Prologue
La vie aime rarement les lignes droites. L’existence qui va se dérouler ici obéit à cette géométrie sinueuse. Elle n’est pas sans histoires, elle en est pleine même, de toutes sortes – des belles, des tristes, des irrémédiables, des lumineuses. Une existence qui danse avec la nôtre depuis trente ans. Ce n’est pas rien. Partir jeune con et grandir. Devenir moins con mais rester jeune. Se construire, s’affronter, renaître. Y croire, même seul contre tous. Voilà le risque et la grâce. Voilà l’aventure. Une géométrie qui a de la gueule.
Je lui demande de se souvenir. Ce qui sera oublié en dira autant que ce qui reste dans sa mémoire. C’est le bon moment.
C’est toute une vie déjà.
Je veux qu’il me parle de ses textes. Qu’il me raconte Nicola par les textes. Nicola et Indochine. Mais c’est presque la même chose.
Il m’a apporté tous ses carnets. Écrits à l’encre noire. Toujours à l’encre noire. Géométrie sinueuse, encore, mouvements
chorégraphiques ou chaotiques de l’inspiration. Qu’il accepte de partager.
Il parle sans mélancolie, n’excluant jamais les regrets quand il en a. Avec la tranquillité de celui qui sait que la route est longue et encore pleine de désirs.
Ce qui frappe, c’est sa jeunesse. Réelle, en mouvement. Incroyable, pour dire la vérité. Et touchante. Revigorante. Qui ramène immanquablement à cet âge où, pour lui, tout a commencé. Qui interroge sur la vivacité en soi de ses propres idéaux. Le regarder, là, assis devant moi, l’écouter et se demander : « Et moi ? Où ai-je rangé cela ? »
De conversation en conversation, il apparaît. Dans toutes les valeurs de plans. Si peu caché, finalement, dans les chansons
qu’il a écrites. Et, mot après mot, le portrait se dessine. Sa croissance, son mûrissement, la flamme et les tourments. Il faut aussi une douleur première pour être un Peter Pan. Il n’y a pas de hasards, il n’y a que des rendez-vous, écrivait Paul Éluard.
C’est à un rendez-vous sans gravité emprunté, sans sérieux composé, que nous convie, à travers trente ans de textes, Nicola Sirkis.
1982
L’AVENTURIER
« Le début d’Indochine, c’était l’inconscience… Oui, vraiment, c’est l’inconscience qui a marqué le truc. »
Une guitare nerveusement Shadows. Un synthé qui vient chercher quand il faut. Une mèche rebelle qui barre l’œil. Des épaules aussi cinglées qu’un déhanchement d’Elvis. Une énergie qui vous choppe pour ne plus vous lâcher. C’est l’été. Et les ondes engluées dans la torpeur d’un rock social poussif se réveillent enfin. Une nouvelle jeunesse scande le nom d’un héros d’une autre génération, choisi au hasard d’une bibliothèque. Début de l’aventure. Indochine et indochinoiseries. Nom durassien et provocant, rythme imparable. Un premier album à l’arrache, en grugeant les adultes. Vague nouvelle contre tout chacal. On ne comptera pas les étés. Hier, aujourd’hui, demain, mêmes notes, mêmes effets. Même déhanchement syncopé. Même rythme ensorcelé. Énergie intacte. Ceux d’aujourd’hui le savent autant que ceux d’hier. C’est bon, c’est tout.
Extraits
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